Depuis mon retrait de Radio-Canada, je n’ai plus ce devoir de réserve et je peux m’associer à des causes qui me tiennent à cœur. J’ai en effet de la misère avec la misère, la vie m’ayant particulièrement choyé. Je voudrais que les autres aient la même chance.

Je m’inquiète des effets combinés de la crise du logement et de l’inflation sur les familles qui en arrachent. Au début décembre, un sondage Léger indiquait qu’un Québécois sur trois (32 %) avait vécu de l’insécurité alimentaire en 2023. Sait-on qu’autour de nous, dans toutes les régions du Québec, des milliers d’enfants arrivent à l’école avec le ventre vide ?

On n’a pas le droit de rester insensible à une situation si intolérable. Cette cause est prioritaire et non négociable : nourrir nos enfants.

J’ai frappé à la porte du Club des petits déjeuners pour comprendre ce qu’on y faisait. Le Club existe depuis près de 30 ans et est aujourd’hui présent dans plus de 500 écoles de milieux défavorisés, de Montréal à Natashquan au Nunavik. À ce jour, plus de 79 000 enfants peuvent déjeuner grâce au Club et ainsi optimiser leur capacité d’apprendre. J’ai visité l’entrepôt du Club à Varennes. J’ai visité des écoles en milieu rural et en milieu urbain. J’ai parlé à des bénévoles, des employés, des enseignants. Je suis renversé par la profondeur de l’organisation, le dévouement des gens, et les impacts d’un tel engagement sur les enfants et les familles.

La vie des élèves change

Quand le Club arrive dans une école, la vie des élèves change. Ils ont une attention plus soutenue, leur curiosité est attisée, l’anxiété baisse et les comportements inadéquats, comme les gestes de violence, diminuent. Les professeurs, le personnel et toute l’équipe-école en bénéficient aussi. Ce climat plus harmonieux est davantage propice à l’enseignement, aux apprentissages et à la réussite éducative. Mais il reste encore près de 670 écoles primaires et secondaires accueillant 180 000 enfants de milieux défavorisés au Québec, qui n’ont toujours pas accès à un programme de petits déjeuners.

PHOTO FOURNIE PAR TACT CONSEIL

Bernard Derome au Club des petits déjeuners

Le Club des petits déjeuners croit depuis toujours que nourrir les enfants est l’affaire de tous. Il est d’ailleurs financé par la générosité d’entreprises et de particuliers, et l’appui du gouvernement du Québec dont il faut saluer l’engagement qui a permis d’ajouter plus de 200 écoles et 36 000 enfants entre 2018-2019 et 2023-2024. Également, lors de la mise à jour économique de novembre dernier, le gouvernement a accordé une contribution spéciale de 5 millions en raison de la flambée du coût de la vie.

On ne doit pas s’arrêter là ; le Club a la capacité opérationnelle de rejoindre 500 autres écoles et nourrir 75 000 enfants de plus chaque matin, d’ici cinq ans et d’offrir cette équité aux enfants des milieux défavorisés, si le gouvernement lui en donne les moyens financiers.

Dans son premier discours inaugural, en novembre 2018, le premier ministre François Legault déclarait : « Notre grande ambition, c’est de donner à chacun de nos enfants les moyens d’aller au bout de son potentiel. » ⁠1 C’est exactement ce dont il s’agit. Déjeuner pour être en situation d’apprendre, de se découvrir, de se réaliser, pour un jour participer à sa manière et à la mesure de ses rêves, au progrès de la société. L’éducation est un projet de société permanent, continuel, perpétuel, et ça commence le ventre plein.

Parfois l’audace, c’est de reconnaître l’évidence. Dans une époque en perte de repères, voilà une ligne que le pouvoir politique peut tracer. La crise du logement et l’inflation ne seront pas solutionnées rapidement. La pression continuera d’être forte sur les familles. N’hésitons pas. Il faut le poing sur la table et la parole forte : nous ne laisserons pas des enfants du Québec avoir faim.

Ne serait-ce pas là un legs pérenne d’un gouvernement de vision ?

1. Lisez le discours de François Legault Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue