Maxime Giroux et Alexandre Laferrière signent, avec Demain, un premier long métrage prometteur sur des lendemains qui ne chantent guère. Entre un père malade et un copain sans envergure, Sophie vit un quotidien fait de bas plus que de hauts. Sans cris, sans pleurs et sans drame, les jeunes Montréalais parlent d'un monde désenchanté : le nôtre.

Demain est, à l'instar de Continental, de Stéphane Lafleur, et contrairement à Polytechnique, de Denis Villeneuve, un film «sans fusil». Un film sans cris, sans accidents et sans tragédie. Dans Demain, les drames se vivent presque sans larmes dans un quotidien que les rêves ont déserté.

Sophie (Eugénie Beaudry) est une jeune femme jolie, intelligente, dévouée à son père et résignée à l'ennui. «Sophie est un personnage lumineux, qui se bat», estime le réalisateur Maxime Giroux. «C'est un film sur le drame d'une femme contenue: c'est sur le fil, le drame n'explose jamais», considère Alexandre Laferrière, scénariste.

Entre un père alcoolique et abusif, et un copain glandeur, amateur de levrette et de jeux vidéo, Sophie tente de s'épanouir. «C'est un personnage que l'on a approché avec humanité, que l'on n'a pas jugé», soutient Alexandre Laferrière. «Sophie me rappelle ma mère, une femme qui a beaucoup donné à ses enfants», dit Maxime Giroux.

Le regard du jeune tandem réalisateur et scénariste offre des hommes une vision sinon critique, du moins assez sévère. «J'ai observé plusieurs hommes, et c'est vrai que l'on mature, mais à petites doses, concède Alexandre Laferrière. Je n'ai pas voulu en faire des débiles.»

Tourné avec un budget minimal (1,2 million), Demain se situe dans un décor familier des jeunes créateurs québécois, la banlieue. Henry Bernadet et Myriam Verreault campaient leurs adolescents dans leur banlieue d'enfance (À l'ouest de Pluton), Stéphane Lafleur y faisait son Continental.

«La banlieue n'est pas si présente, tempère Maxime Giroux. J'ai essayé de diminuer l'effet de la banlieue sur le film. Je me suis vite rendu compte que le film pouvait se dérouler de partout: sinon, j'aurais fait plus de plans larges avec les maisons pareilles, alignées.»

«On représente souvent la banlieue comme un spectacle de désolation: mais Demain n'est pas un film sur la désolation de la banlieue, même si c'est clair que l'environnement a un effet sur le personnage. Je me rends compte de toute façon que la banlieue est partout: en ville, sur le Plateau, dans le Mile End», poursuit le jeune réalisateur.

Maxime Giroux a choisi très tôt de tourner en cinémascope. «Je n'avais pas envie de faire un documentaire, j'ai une vision d'auteur, dit-il. En tournant en vidéo ou en super 16, le film aurait pu avoir l'air d'un documentaire. En anamorphique, cela reste un film, cela crée une distance. Je n'avais de toute façon pas envie de tourner en vidéo quelque chose d'assez trash comme ça.»

Demain est le coup d'essai de Maxime Giroux et Alexandre Laferrière, deux amis et complices qui ont déjà signé deux courts métrages fort remarqués en festival, Le rouge au sol et Les jours. Demain n'a pourtant pas eu la même chance: après un passage au FNC, l'automne dernier, et à Turin, le film prend l'affiche au milieu de grosses sorties, risquant fort de passer inaperçu.

«Je pense que c'est la responsabilité des cinéastes de faire un film, peu importe lequel. C'est celle du distributeur et du producteur de le vendre. Nous, on a fait notre film. Ce n'est pas pour tout le monde, mais je suis persuadé qu'il y a des gens qui peuvent s'y reconnaître», soutient Maxime Giroux.