(Saguenay) C’est devant une salle comble au Théâtre C de Chicoutimi que la 28e édition de la célébration annuelle du court métrage s’est mise en branle, mercredi. Chouchou des artistes comme des cinéphiles, le festival REGARD présentera, jusqu’à dimanche, plus de 200 films provenant de 56 pays.

« Ce festival-là a été créé pour les cinéastes et vous y serez toujours accueillis à bras ouverts, avec ou sans film », a lancé la directrice de la programmation, Mélissa Bouchard, provoquant une vive vague d’applaudissements du public, annonçant toute la générosité dont celui-ci allait faire preuve au cours de la soirée.

PHOTO TOM CORE, LE QUOTIDIEN

Justine Valtier et Mélissa Bouchard forment le duo à la tête du festival REGARD, lancé mercredi soir.

L’ambiance était à la fête, mais celle qui endosse ce rôle depuis 15 ans cette année a quand même tenu à formuler quelques messages. Après avoir rappelé le cri du cœur du distributeur h264, qui était menacé de fermeture en février avant de recevoir l’aide de Québec, elle a précisé que selon ses observations, « presque tous les autres petits distributeurs » seraient dans le même bateau. « On bombe le torse quand on voit que nos films vont [en festival] à Sundance, à Berlin, à Clermont ou aux Oscars, alors c’est important pour moi de souligner que le travail que se rendre là exige est monumental et coûte cher. »

Lisez « Le distributeur de films h264 menacé de fermeture »

Sans eux, il n’y en a juste pas, de films qui représentent le Québec a l’étranger. Ou s’il y en a, c’est qu’ils vendent leurs droits à des compagnies étrangères qui habituellement se fichent un peu des intérêts des cinéastes.

Mélissa Bouchard, directrice de la programmation

En 2023, trois courts métrages québécois se sont frayé un chemin vers la présélection des Oscars. Chat mort, d’Annie-Claude Caron et Danick Audet – présenté à REGARD en compétition officielle –, Invincible, de Vincent-René Lortie, et Oasis, de Justine Martin. Au cours des dernières années, on a aussi vu briller Fauve de Jeremy Comte (en 2019), Marguerite de Marianne Farley (2019), Brotherhood de Meryam Joobeur (2020) et Henry de Yan England (2013).

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Invincible, du réalisateur Vincent René-Lortie, photographié ici en janvier dernier, était finaliste à la dernière cérémonie des Oscars.

Si tant de films d’ici voyagent, c’est entre autres grâce à la vitrine qu’offre le festival REGARD. La présence de producteurs, de distributeurs et d’équipes de partout dans le monde permet un réseautage fructueux en plus d’une effervescence créative. « C’est comme un gros camp de vacances du cinéma, où tout le monde prend le temps de faire des découvertes et des rencontres », explique Mélissa Bouchard.

Le festival où tout commence

Pour Annie-Claude Caron, coréalisatrice du très drôle Chat mort, REGARD représente le début d’une belle histoire. En 2020, année tristement célèbre où le festival a dû s’interrompre 24 heures après son début à cause de la COVID-19, elle et son partenaire, Danick Audet, présentaient leur premier documentaire, Gino Bouleau.

Bande-annonce de Chat mort

« En juste une journée, on a fait des rencontres qui ont été essentielles pour la suite », note la cinéaste, qui avait eu l’occasion de rencontrer beaucoup de gens au Petit déjeuner pro, activité de réseautage destinée à créer des liens entre l’industrie locale et les invités internationaux.

« Même juste d’avoir l’occasion de présenter nos courts sur grand écran, de vivre les réactions du public en direct, c’est incroyable et ça vaut de l’or », ajoute l’Abitibienne.

IMAGE FOURNIE PAR REGARD

Isabelle Giroux dans Extras, de Marc-Antoine Lemire

Une opinion que partage Marc-Antoine Lemire (Mistral spatial), réalisateur d’Extras, film éclaté et « méta » sur une comédienne en mal d’amour présenté mercredi soir. Selon celui dont cette édition est le baptême, la « meilleure partie » du festival reste la rencontre avec le public.

J’avais vraiment envie de lancer ce film-là dans un contexte festif, de gang, où je savais qu’il allait y avoir une énergie participative. J’espérais vraiment qu’on puisse venir ici pour ça.

Marc-Antoine Lemire, réalisateur

Les occasions sont effectivement rares pour les réalisateurs de ce format de films de présenter le fruit de leur travail dans un contexte d’une telle envergure. Après tout, REGARD est le plus important rendez-vous du court métrage au Canada.

Lieu de tous les possibles

Réalisateur du magnifique À toi les oreilles, inspiré du défilé du 150e anniversaire du village d’Armagh, dans Chaudière-Appalaches, et de sa réalité familiale, Alexandre Isabelle en est à sa troisième présence au festival en tant que cinéaste.

IMAGE FOURNIE PAR REGARD

Scène du film À toi les oreilles

En 2017, il y a présenté son premier court professionnel, La partie. Le Levisien a pu observer l’impact de cette vitrine, car son film s’est mis à circuler dans des évènements de partout au pays, mais aussi jusqu’aux États-Unis et en Europe. Le rêve s’est poursuivi en 2021, avec la projection de Donc, Socrate est mortel.

Pour moi, REGARD, c’est l’ouverture des possibles. […] Et c’est un exploit que le festival réussisse à rester pertinent tant d’un point de vue local qu’international.

Alexandre Isabelle, réalisateur

Cette année, À toi les oreilles est déjà voué à un beau parcours, avant même d’avoir été montré au public de REGARD. Le film et son réalisateur reviennent d’ailleurs de South by Southwest, au Texas, où il a été sélectionné.

Le Festival international du court métrage au Saguenay est l’évènement qui attire le plus de touristes annuellement à Chicoutimi, a rappelé le conseiller municipal de Saguenay Marc Bouchard, avant la soirée de mercredi. Espérons que le cheminement de l’évènement, qui se développe sans cesse depuis 28 ans, sera à l’image des carrières qui y débuteront.

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