(Valladolid) La cérémonie des Goya, grand-messe annuelle du cinéma espagnol, a consacré samedi le film Le Cercle des neiges, au moment où le secteur est secoué par les accusations de violences sexuelles à l’encontre d’une figure du cinéma indépendant.

Réalisé par Juan Antonio Bayona (Jurassic World : Fallen Kingdom, The Impossible), le long métrage, qui a reçu le prix du meilleur film et du meilleur réalisateur, retrace l’odyssée des jeunes joueurs d’une équipe de rugby amateur uruguayenne, dont l’avion s’est écrasé dans la Cordillère des Andes en 1972 alors qu’ils se rendaient au Chili.

La cérémonie, qui a également décerné le prix du meilleur film européen au film français Anatomie d’une chute et une récompense honorifique à l’actrice américaine Sigourney Weaver, a été marquée par le scandale sexuel qui touche l’Espagne.

« Il est urgent que nous exigions tous des garanties d’égalité, et cela passe par la condamnation de tous les abus et de la violence sexuelle », a déclaré en ouverture l’actrice et chanteuse Ana Belén qui présentait cet équivalent espagnol des César français, organisée cette année à Valladolid (nord-ouest).

PHOTO JAVIER SORIANO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Ana Belén

« Ici aussi au cinéma, c’est terminé », a-t-elle clamé en clin d’œil au slogan #SeAcabo (« c’est terminé ») qui a marqué le soutien à la footballeuse Jenni Hermoso après le baiser forcé de l’ex-patron du football espagnol Luis Rubiales.

« La violence sexuelle et les abus de pouvoir n’ont pas leur place dans le monde du cinéma et dans la société espagnole », a martelé l’Académie du cinéma espagnol, qui a mis ce sujet au centre du gala.

Assurant les victimes de sa « solidarité », elle a également promis d’instaurer un « protocole » pour prévenir ces violences.

« Nous devons être conscients que nous sommes en train de parler d’une violence structurelle qui exige l’engagement de tous », a souligné le premier ministre socialiste Pedro Sanchez, sur le tapis rouge de la cérémonie.

À la veille du gala, le ministre de la Culture Ernest Urtasun a annoncé la création d’une unité spécialisée dans la prise en charge des victimes de violences machistes dans le secteur culturel.

Lors d’une conférence de presse, Sigourney Weaver s’était dite « désolée » à propos de l’affaire secouant le cinéma espagnol. « Je suis de tout cœur avec les femmes », avait ajouté la vedette américaine. Selon elle, « ce sont les femmes qui parlent de cette situation et de ces abus qui rendent le travail plus sûr pour toutes les femmes dans cette industrie ».

Ce #metoo du cinéma espagnol a éclaté fin janvier avec la publication d’une enquête du quotidien El Pais dans laquelle trois femmes accusaient le cinéaste Carlos Vermut de violences sexuelles.

Figure du cinéma indépendant, Carlos Vermut, de son vrai nom Carlos López del Rey, a remporté en 2014 le prix le plus prestigieux du festival de Saint-Sébastien, rendez-vous majeur du cinéma hispanophone, pour son deuxième long métrage, Magical Girl (La niña de fuego), encensé par la critique.

Les accusations à son encontre ont provoqué une vague d’indignation en Espagne, pays en pointe dans la lutte contre les violences de genre.

Vermut a affirmé dans El Pais ne pas être « conscient d’avoir exercé de la violence sexuelle sur une femme », mais a reconnu avoir « étranglé des personnes, mais de manière consentie ».

Dans le sillage de cette affaire, un autre réalisateur espagnol, Armando Ravelo, a lui été accusé par une artiste de l’avoir « incitée » à avoir des relations sexuelles lorsqu’elle n’avait que 14 ans.

Depuis le début du mouvement #metoo en 2017, des figures du monde du cinéma ont été accusées de violences sexuelles dans de nombreux pays, à l’instar en France de l’acteur Gérard Depardieu ou des cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, contre lesquels l’actrice Judith Godrèche a porté plainte.