Alberto Barbera, le directeur artistique de la Mostra de Venise, aurait voulu clouer Roman Polanski au pilori qu’il n’aurait pas agi autrement. The Palace, dernier opus du cinéaste de 90 ans projeté samedi à Venise, est une farce plate tellement grotesque que l’on en est gêné pour l’auteur des chefs-d’œuvre Chinatown et Rosemary’s Baby.

Que l’on me comprenne bien : ce n’est pas parce que Polanski est nonagénaire qu’il a forcément perdu la main. J’accuse (2019), son film précédent sur l’affaire Dreyfus, resté inédit chez nous, avait beau être académique, il était de bonne tenue et bien réalisé.

On ne peut malheureusement en dire autant de The Palace, sommet de mauvais goût tourné à Gstaad, dans les Alpes suisses, où Polanski a une résidence secondaire. Voilà du vieux cinéma, qui régurgite de vieilles idées, dans une mise en scène statique et poussiéreuse. Un croisement entre Les bronzés font du ski et Weekend at Bernie’s, qui se veut une satire de la vie des gens fortunés.

En matière de dénonciation par l’humour satirique de la décadence, de la vulgarité et de la vacuité des riches, nouveaux et anciens, le Suédois Ruben Östlund a fait cent fois mieux avec Triangle of Sadness, qui n’était pourtant pas un film parfait.

The Palace raconte une journée dans un hôtel de luxe, alors que l’on s’apprête à célébrer le passage à l’an 2000. Défilent à l’écran un éventail de personnages burlesques, qui s’effraient ou se réjouissent de la perspective d’un bogue informatique.

Des oligarques russes et leurs bimbos, un vieil acteur porno retraité surnommé Bongo, un ersatz de Trump du nom de Crush (Mickey Rourke, clownesque), une marquise (Fanny Ardant, la pauvre) qui s’inquiète des selles du petit chien qu’elle nourrit au caviar, un milliardaire texan nonagénaire (joué par l’Anglais John Cleese, lui aussi clownesque) et sa jeune épouse à peine majeure, un chirurgien esthétique et ses ex-patientes défigurées, etc.

Le maître d’hôtel, archétypal Suisse stoïque, éteint les incendies que ces dégénérés allument à longueur de journée. La bouillie indigeste qui tient lieu de scénario à cette comédie vaguement érotique est trouée comme de l’emmental et ne lève jamais (s’cusez-là). Ses intrigues secondaires restent en plan, ses grosses ficelles détachées.

Et la scène finale (avertissement au divulgâcheur) met en scène un chien incontinent qui zigne un pingouin sans défense. Vous avez bien lu.

Le drame, c’est que ce n’est pas drôle un seul instant. C’est surtout triste qu’un grand maître comme Polanski en soit venu à se ridiculiser de la sorte. Je veux bien que les comédies soient souvent sous-estimées, voire méprisées par les grands festivals, mais il y a des limites.

Que fait ce Palace à Venise ? Peut-être est-ce une blague à prendre à un degré que je n’ai pas saisi ? J’espère, quoi qu’il en soit, ne rien voir de pire pendant ce qu’il reste de ce festival. Ça ne devrait pas être trop difficile.