(Cannes) Chaque jour, La Presse présente des films vus sur la Croisette.

La banalité du mal

The Zone of Interest, de Jonathan Glazer

Un peu comme l’a fait Michael Haneke avec Le ruban blanc, Jonathan Glazer s’emploie à explorer dans son nouveau film la nature du mal dans un cadre en apparence banal. En s’inspirant d’un livre homonyme de l’écrivain Martin Amis racontant la vie de famille d’un commandant nazi habitant une maison mitoyenne du camp d’Auschwitz, le cinéaste britannique, qui propose un premier long métrage depuis le troublant Under the Skin, signe une œuvre glaçante au possible.

En montrant le cadre de vie du commandant Rudolf Höss (Christian Friedel), qui mène sa vie de famille avec sa femme (Sandra Hüller) de façon tout à fait « normale » dans une maison proprette pendant que les cheminées situées non loin crachent la fumée des chambres à gaz, Glazer évoque la banalité de l’horreur du point de vue des nazis.

Grâce à des motifs musicaux anxiogènes, une caméra qui se tient toujours à distance, et une trame sonore qui évoque tout sans rien montrer, The Zone of Interest, tourné entièrement en allemand, est pour l’instant le film le plus percutant que nous ayons vu dans ce début de compétition.

Un exercice intellectuel fascinant

PHOTO FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Une scène tirée de Les herbes sèches. Le film de Nuri Bilge Ceylan est en lice pour la Palme d’or.

Les herbes sèches, de Nuri Bilge Ceylan

En compétition officielle pour la septième fois, déjà lauréat de plusieurs prix sur la Croisette (parmi lesquels la Palme d’or en 2014 grâce à Winter Sleep), Nuri Bilge Ceylan est de retour avec, de nouveau, un (long) film – absolument fascinant – essentiellement basé sur des conversations entre des personnages.

Fidèle à son bout de pays, l’Anatolie orientale, le chef de file du cinéma turc propose cette fois une histoire construite autour d’un professeur, brillamment interprété par Deniz Celiloğlu, qui ronge son frein dans une école de sa région en espérant être muté à Istanbul. Faussement accusé de gestes et de paroles déplacés par l’une de ses élèves, l’homme est amené à réévaluer sa vie. Et, surtout, à en discuter. Les admirateurs du cinéma de Nuri Bilge Ceylan retrouveront cette façon toute personnelle de capter la beauté des paysages de la région, mais ils apprécieront surtout l’exercice intellectuel auquel le cinéaste nous convie, au point de faire difficilement croire à sa durée de 3 h 17 tellement tout se passe aisément.

À part une petite digression un peu étrange au cours de laquelle on nous transporte inopinément dans un studio de cinéma (pourquoi ?), Les herbes sèches affiche la maîtrise d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens. Sphère Films détient au Québec les droits d’exploitation de ce film dont la date de sortie n’est pas encore déterminée.