(Cannes) « La honte » : un collectif d’actrices et d’acteurs français a critiqué le Festival de Cannes qui déroule « le tapis rouge aux hommes et femmes qui agressent », en référence à l’acteur Johnny Depp, chaleureusement accueilli mardi soir, et à la réalisatrice Maïwenn.

Pour sa part, l’organisation Osez le Féminisme ! a appelé à « boycotter » le festival, accusant le cinéma de « célébrer les agresseurs » et de « participer à la banalisation des violences masculines ».

La 76e édition du plus grand festival de cinéma au monde est marquée par le retour de Johnny Depp dans le film d’ouverture Jeanne du Barry, après qu’il a été écarté des plateaux de Hollywood ces dernières années à la suite des accusations de violences conjugales de son ex-compagne Amber Heard.

La réalisatrice française du film, Maïwenn, fait elle-même face à une plainte judiciaire, après avoir récemment agressé le patron du site d’information indépendant Mediapart, Edwy Plenel, dans un restaurant.

Dans une tribune publiée par le quotidien Libération, 123 acteurs et actrices, dont Julie Gayet et Laure Calamy, se disent « profondément indigné·e·s », affirmant refuser « de garder le silence face aux positionnements politiques affichés par le Festival de Cannes ».

« En déroulant le tapis rouge aux hommes et aux femmes qui agressent, le festival envoie le message que dans notre pays nous pouvons continuer d’exercer des violences en toute impunité, que la violence est acceptable dans les lieux de création », ajoute le texte.

Les signataires soulignent que « le cinéma français a intégré un système dysfonctionnel qui broie et anéantit ». « Lorsque nous avons le courage de parler ou demander de l’aide, nous nous entendons trop souvent dire : “Tais-toi s’il te plaît, pour la vie du film” », dénoncent-ils encore.

Le collectif apporte également son soutien à l’actrice Adèle Haenel, qui a officialisé il y a une semaine son arrêt du cinéma pour dénoncer une « complaisance » du 7e art vis-à-vis des agresseurs sexuels. L’actrice avait fait une sortie fracassante lors de la cérémonie des Césars en 2020 pour s’opposer au sacre de Roman Polanski (récompensé du César du meilleur réalisateur pour son film J’accuse), alors qu’il était rattrapé par des accusations anciennes de viol.

Parmi les signataires figurent aussi la comédienne Ophélie Bau, une des vedettes du sulfureux Mektoub, My Love : Intermezzo d’Abdellatif Kechiche, estimant que son contrat n’avait pas été respecté concernant l’utilisation d’une scène de sexe oral non simulée entre elle et Roméo de Lacour.

Six ans après #metoo, « le cinéma français ne cesse de montrer sa solidarité et sa complaisance envers les hommes accusés de violences », dénonce de son côté Osez le Féminisme ! dans un communiqué.

« La menace des “vies” et “carrières brisées” des hommes accusés de violences, ressortie complaisamment par les médias à chaque prise de parole courageuse de victimes, ne résiste pas à l’épreuve des faits », ajoute l’organisation, en évoquant un contrat de 20 millions de dollars signé par Johnny Depp avec la marque de luxe française Dior.

De son côté, le syndicat CGT a critiqué le choix du Festival de sélectionner le film de la réalisatrice française Catherine Corsini, Le retour, après des soupçons de harcèlement et d’irrégularités concernant une scène explicitement sexuelle, mais simulée, impliquant une actrice de moins de 16 ans.

Faire ce choix montre que « les violences morales, sexistes et sexuelles ne sont pas un sujet pour le Festival de Cannes. Celles ou ceux qui les dénoncent n’ont pas voix au chapitre de la sacro-sainte création », dénonce-t-il.