Diffusée dans 160 pays, elle attirerait, selon certains estimés, quelque 400 millions d'auditeurs à travers le monde. Complètement dingue! Normalement, un tel engouement n'aurait pas tardé à pousser les grands manufacturiers à produire eux-mêmes des Choppers afin de profiter de la manne pendant qu'elle passe. Mais voilà: avec leur interminable fourche presque horizontale, leur châssis sans suspension arrière et leur pneu arrière mammouth, les Choppers n'ont rien d'une moto normale

Diffusée dans 160 pays, elle attirerait, selon certains estimés, quelque 400 millions d'auditeurs à travers le monde. Complètement dingue! Normalement, un tel engouement n'aurait pas tardé à pousser les grands manufacturiers à produire eux-mêmes des Choppers afin de profiter de la manne pendant qu'elle passe. Mais voilà: avec leur interminable fourche presque horizontale, leur châssis sans suspension arrière et leur pneu arrière mammouth, les Choppers n'ont rien d'une moto normale

Pour 2008, estimant qu'il est de son devoir de se maintenir à l'avant-plan du stylisme en matière de deux-roues à saveur custom, Harley-Davidson se lance néanmoins dans l'aventure avec la toute nouvelle Rocker. Il s'agit d'une moto qui pourrait être qualifiée de Chopper pour la masse puisqu'elle constitue un trait d'union entre le côté purement artistique des Choppers artisanaux et les besoins fonctionnels des motos de production.

Comme aucun cadre déjà en production ne permettait d'atteindre l'angle de fourche extrême requis par la nouveauté, pas plus que d'accepter le massif pneu arrière de 240 mm de section, deux éléments exigés par les stylistes, Harley-Davidson n'eut d'autre choix que de concevoir un cadre exclusif à la Rocker. Le geste démontre d'ailleurs bien la particularité de ce type de monture puisqu'il ne correspond décidément pas à l'habitude du constructeur américain qui préfère de loin créer de nouveaux modèles en «déguisant» une plateforme déjà existante.

Un autre trait déterminant des Choppers est une ligne arrière définie par une suspension arrière «rigide» (comprendre inexistante) permettant une intime proximité entre le garde-boue et le pneu arrière. Comme il était hors de question pour Harley-Davidson de mettre sur le marché une moto sans suspension arrière, il fut décidé de dupliquer l'effet en rendant cette dernière aussi discrète que possible et en montant le garde-boue à même le bras oscillant, à quelques millimètres à peine du pneu arrière.

Bien que l'espace nécessaire au mouvement du bras oscillant et de l'aile arrière crée un étrange vide entre cette dernière et la selle, la ligne de la Rocker est somme toute réussie puisque non seulement épurée et bien proportionnée, mais aussi parce qu'elle respecte plutôt bien le thème du Chopper, du moins autant que les lois de la production de masse le permettent.

Selon Harley-Davidson, le plus grand défi de la Rocker, qui est offerte en version de base et C beaucoup plus chromée, n'était pas d'en équilibrer la ligne, mais plutôt la tenue de route. En effet, le jumelage d'un immense pneu arrière et d'un mince pneu avant se traduit généralement par un comportement flou, irrégulier et finalement peu désirable. Mais à quelques réactions mineures près (la roue avant semble vouloir se tourner d'elle-même lors de manoeuvres à très basse vitesse), on croirait avoir affaire à un custom traditionnel. Les suspensions fonctionnent décemment, tout comme les freins. Même cette tendance typique des motos à gros pneu arrière à résister à l'inclinaison en entrée de courbe est quasi absente.

Par ailleurs, même si elle est très typée, la position de conduite s'avère plus tolérable qu'on le croirait, tandis que la selle n'est pas mauvaise du tout, du moins sur des distances relativement courtes. Quant à la mécanique, un V-Twin de 1584 cc très bien connu puisqu'emprunté à la famille Softail, elle est caractérisée par une agréable livrée de couple à bas et moyen régimes, par un habile dosage des vibrations et par une fort plaisante sonorité. Qu'on opte pour la Rocker ou la Rocker C (livrée avec une ingénieuse selle escamotable pour passager), la finition est de première qualité.

Ce n'était qu'une question de temps avant qu'un grand constructeur propose aux nombreux motocyclistes suivant de près ces fameuses séries télévisées, un modèle dont l'aspect refléterait le style très particulier des Choppers. Il est vrai que la nouvelle Rocker n'est visuellement pas aussi osée que la plupart des créations artisanales pouvant être aperçues au petit écran, contraintes de production et des ministères du transport obligent. Mais le dernier né de Harley-Davidson demeure néanmoins une proposition unique puisqu'il s'agit de la seule moto sur le marché possédant à la fois un lien stylistique évident avec cet univers parallèle qu'est celui des Choppers, et un comportement routier vivable.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto.