Un peu (trop) de fard

À l’image de la version régulière, la présentation tant extérieure qu’intérieure de cette Mustang multiplie les clins d’oeil au passé. Ne vous laissez pas distraire par les bandes de couleur qui peinturlurent la carrosserie, le faux bouchon du réservoir d’essence agrafé entre les feux de freinage ou encore par le Cobra qui se dresse sur le couvercle du coffre ou sur les ailes avant. Jetez plutôt un oeil sur les fentes branchiales (et fonctionnelles) qui hachurent une partie du capot ou encore sur le soin apporté au dessin des calandres (inférieure et supérieure) pour améliorer la respiration du moteur.

Grosse déception à l’intérieur. Hormis, encore une fois, le fard apposé sur certaines parties du mobilier, la Shelby GT500 est en tout point identique à la version régulière. Les formes du tableau de bord, le graphisme des compteurs et le dessin des buses de ventilation imitent le modèle régulier. Bien entendu, l’oeil avisé ne manquera pas de relever que l’habitacle baigne dans le cuir et que le fini chromé des accessoires a fait place à un fini aluminium satiné, mais c’est trop peu. Et si le dessin des sièges à l’ancienne a du bon pour l’ambiance, le maintien latéral, lui, en fait les frais. L’important, pour le conducteur, est de s’agripper solidement au volant pour ne pas se faire ballotter à chaque changement d’appui. Contre toute attente, les places arrière ne sont pas inconfortables. Le problème est d’y accéder ou de s’en extraire.

Exclusive et rare, cette Shelby GT500 est la plus coûteuse mais surtout la plus puissante des Mustang jamais produites. Pour 1,04 le cheval-vapeur, impossible à ce jour de trouver une sportive offrant un rapport prix/puissance aussi attrayant. Parfait pour inquiéter les grosses cylindrées au feu rouge... Mais attention: il faudra lever le pied lorsque la route se mettra à zigzaguer.

On peut toujours ergoter sur la présence d’un essieu arrière rigide. Néanmoins, celui-ci est correctement guidé et ne se fait que remarquer au chapitre de la tenue de route qui, on s’en doute bien, a été optimisée pour rendre justice à son blason prestigieux. C’est dans cette optique que les barres stabilisatrices ont été engraissées de quelques millimètres (24 au lieu de 20), que les combinés ressort-amortisseur ont été rigidifiés et que la monte pneumatique montre une semelle aussi adhérente que du Velcro. Bien entendu, à la base, sa masse importante réagit sèchement sur les nids-de-poule et autres imperfections de la chaussée au détriment du confort. Bon, c’est une Mustang, pas une Fusion...

À ce titre, elle laisse la part belle au plaisir de conduire. Bien qu’elle ait conservé le même rapport de démultiplication, la direction se révèle précise et très informative.

La voiture s’inscrit bien en virage, une fois le conducteur acclimaté aux transferts de masse de cette version musclée. De quoi s’agit-il? Ouvrons ici une parenthèse essentielle à la compréhension de nos impressions de conduite: le poids. Par rapport à une Mustang GT, une Shelby GT500 a 196 kilos de plus (251 kg pour la version cabriolet). C’est énorme. Et comme en fait foi la répartition des masses annoncées par le constructeur, ce poids additionnel se retrouve essentiellement sur le train avant. De 54/46 qu’il est sur la version régulière, la répartition du poids de la Shelby GT500 est de 57/43. Voilà qui explique en partie, croyons-nous, le sentiment de lourdeur ressenti à son volant. Une fois assimilé le fait que cette Mustang peut passer du survirage au sous-virage, tout se déroule comme il faut. On reconnaît alors en elle une véritable propulsion (roues arrière motrices), franche et efficace, qui réagit sainement. Elle sait se montrer agile, sans être trop vive, et affiche une stabilité de cap satisfaisante. Le freinage, pour sa part, s’avère puissant et facile à doser.

La clé de contact donne vie au V8 qui s’ébroue assez discrètement. Il faut titiller franchement l’accélérateur pour qu’il daigne donner de la voix. Mais alors, quel organe! Moderne, il ne rechigne pas à monter en régime et garde néanmoins le timbre grave caractéristique de sa race, même si celui-ci est légèrement affaibli par le sifflement du compresseur chargé de suralimenter ce moteur. Ce compresseur de type Roots est boulonné à un huit cylindres de 5,4 litres dont les culasses en aluminium, les segments de piston, les coussinets et les paliers proviennent du moteur de la GT. Le bloc, lui, est réalisé en fonte. Sur le banc, ce moteur produit 500 chevaux, soit 25 de plus que les premières estimations des motoristes et, surtout, 140 de plus que la plus puissante Mustang de l’histoire: la GT500 de 1968.

Sensations authentiques

La boîte de vitesses à six rapports (la seule disponible), commandée par un levier ultracourt, oppose une belle résistance aux manipulations. En contrepartie, les verrouillages sont extrêmement précis, excluant toute fausse manoeuvre. Les changements de rapports ne peuvent se faire à la volée, mais la belle santé du 5,4 litres compense ce qui peut représenter une petite perte à l’accélération.

Et puis, les rétrogradations n’en sont que plus voluptueux car, obligé de bien décomposer son double débrayage, le conducteur profite alors pleinement du coup de gaz d’accompagnement. De la vraie mécanique qui distille des sensations authentiques, sans être surannée: ce gros V8 produit ses 500 chevaux et ses 480 livres-pied de couple avec brio et, sur toutes les plages. De fait, il autorise tous les styles de conduite, depuis les relances profondes à bas régimes, accompagnées d’une sonorité caverneuse, jusqu’au rugissant flirt avec la zone rouge (6 250 tours/minute). De quoi réaliser des performances conformes aux attentes des conducteurs sportifs et, surtout, à la légende de la voiture, mais rien pour vous plaquer le dos contre le baquet, cependant.