Les résultats du récent Gala des prix Gémeaux font des vagues. Déçus des miettes récoltées par leurs œuvres Mégantic, Désobéir : le choix de Chantale Daigle et Portrait-robot 2 à la célébration du 17 septembre, et interloqués par l’attribution des autres récompenses, Sophie Lorain et Alexis Durand-Brault ont décidé de ne plus inscrire les émissions de leur entreprise ALSO Productions aux prochaines éditions de l’évènement.

Sophie Lorain insiste : son partenaire de vie et d’affaires, Alexis Durand-Brault, et elle-même ne sont pas amers. « Fais-moi pas passer pour une mégère », a même rigolé la comédienne et productrice, lundi, rencontrée à l’occasion de la sortie, le 5 octobre prochain, du film Testament, de Denys Arcand, où elle tient la vedette avec Rémy Girard.

N’empêche, la créatrice ne mâche pas ses mots pour qualifier le tableau d’honneur final des 38es prix Gémeaux. « Échantillonnage tout croche », « système qui n’a aucun sens », « organisme qui a l’air de s’en foutre » : Sophie Lorain est catégorique lorsqu’elle décrète qu’ALSO Productions ne participera plus à la grand-messe annuelle du petit écran québécois.

« C’était n’importe quoi, en long et en large. On n’y sera plus. C’est terminé. Tu ne peux pas donner des prix à droite et à gauche, sans être conséquent dans ce que tu donnes. Je pense que ces gens devraient s’asseoir convenablement et repenser comment ils font de la télévision. Parce qu’en ce moment, je n’ai pas l’impression qu’on fait le même métier », a calmement déploré Sophie Lorain.

Prix de consolation

Certes, cela dérange les dirigeants d’ALSO que les talents de Mégantic et Désobéir : le choix de Chantale Daigle n’aient pas été davantage reconnus. Mégantic et sa flopée d’effets spéciaux se sont contentés de la statuette des meilleurs décors : fiction, tandis que Désobéir n’a enlevé que celle de la meilleure distribution artistique : fiction.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Éléonore Loiselle et Antoine Pilon, comédiens dans la série Désobéir : le choix de Chantale Daigle, et Alexis Durand-Brault en arrière-plan

Mégantic a aussi été saluée, ex aequo avec Pour toi Flora, du Grand Prix de l’Académie, attribué par le conseil d’administration de l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision – section Québec (ACCT), qui chapeaute les Gémeaux, pour nous avoir fait « regarder en pleine face des pages douloureuses de notre histoire », a indiqué l’animateur Pierre-Yves Lord pendant la soirée.

« Ouin, pis ? », a opposé Sophie Lorain à l’évocation de cette dernière distinction, considérée par ses lauréats comme un prix de consolation. « Tant mieux pour les gens de Mégantic. Ils ne sont au moins pas passés complètement dans le beurre… »

Les trophées de meilleure série (dramatique et quotidienne) décernés à Avant le crash et à Indéfendable sans autre récompense (textes, réalisation, interprétation) pour appuyer ces titres, et les multiples décorations à STAT (écriture de Marie-Andrée Labbé, jeu de Suzanne Clément et Geneviève Schmidt, réalisation de Danièle Méthot) sans l’ultime laurier de meilleure série quotidienne ont aussi agacé le tandem Lorain–Durand-Brault.

Télé traditionnelle avantagée

Sophie Lorain soulève, entre autres incompréhensions, l’instauration des catégories non genrées. « Personne ne nous a demandé notre avis ! », s’est-elle indignée. Les 20 % de points supplémentaires dus aux cotes d’écoute, automatiquement accolés aux séries de fiction diffusées à la télévision traditionnelle, lesquelles deviennent ainsi avantagées devant celles seulement en ligne sur les plateformes (« Pourquoi on est recalés parce qu’on est diffusés sur une plateforme, alors que tout le monde regarde la télé sur les plateformes ? ») la rebutent également, tout comme la question des frais d’inscription élevés à la course aux Gémeaux, aussi décriée par d’autres producteurs (Guillaume Lespérance et Fabienne Larouche, notamment) cette année.

« Ça nous a coûté très cher, inscrire trois productions. Puisque ça ne semble pas pris au sérieux, on aime mieux redistribuer une partie de ces sous à nos artistes et artisans, prendre un verre avec eux pour les remercier, et mettre l’argent à l’écran », a conclu Sophie Lorain, elle-même lauréate de trois Gémeaux à titre personnel au fil des ans (pour Omertà, Fortier et Au secours de Béatrice).

Invitée par La Presse à répondre aux mécontents, la nouvelle directrice générale de l’ACCT, Chantal Côté, en poste depuis un mois, a dirigé La Presse vers le site web de l’organisation, où la marche à suivre est dûment détaillée – sur 44 pages –, pour expliquer le mode de scrutin fort complexe des Gémeaux, chaque catégorie comportant ses spécificités.

« Ce n’est pas le rôle de l’Académie de commenter les résultats d’un concours. Dans un concours, il y a toujours des surprises, parfois difficiles à expliquer. Les membres de l’Académie, y compris les producteurs qui soumettent des projets, connaissent les règlements, ont accès à cette information. Tout est transparent. Moi, je suis ouverte au dialogue avec les membres. Je veux qu’ils s’impliquent et qu’ils me parlent », a résumé Chantal Côté.