Icône française de l’électro pop imaginative, Émilie Simon est de passage à Montréal après une longue absence. Elle offre ce dimanche au Gesù un concert solo qui fait le grand écart entre des versions réinventées de chansons de son premier album et celles d’un autre à paraître à la fin du mois.

Ceux qui suivent Émilie Simon depuis longtemps savent qu’elle a un bras bionique, c’est-à-dire un instrument électroacoustique qu’elle porte au bras gauche qui lui permet de modifier le son de sa voix en direct. Ce n’est apparemment pas le seul superpouvoir dont elle dispose pour contrôler son environnement, comme on en a eu la preuve lorsqu’on l’a rencontrée à la fin de la semaine dans le hall de Radio-Canada.

Juste au moment où on évoquait certaines des images récurrentes de ses nouvelles chansons – un tigre et une étoile notamment –, l’écran géant situé tout près a montré un tigre, puis un ciel étoilé... « J’ai une télécommande », a plaisanté l’artiste française, s’amusant de la coïncidence.

Émilie Simon croit-elle à la synchronicité ? On n’a pas pensé à le lui demander. Or, elle admet volontiers le rôle que joue l’inconscient dans son processus créatif. En observant ses deux décennies de carrière, elle estime d’ailleurs avoir souvent fait des gestes qu’elle qualifie de « prémonitoires ».

Mutations sonores

Son dernier album de chansons, Mue, date de 2014. Elle estimait que ce disque constituait lui-même la transformation évoquée par le titre. « Non, en fait, estime-t-elle aujourd’hui. Il annonçait la mue à venir. » Une mue multiple, est-on tenté de préciser. Ces 10 dernières années, la compositrice et chanteuse a multiplié les projets : une bande originale de film, une relecture complète de son premier disque, deux maxis (EP) et un conte musical où il est question d’une femme – Lily Mercier – devenue vampire...

Cette même Lily se trouve au cœur d’un album à paraître à la fin du mois dont Émilie Simon jouera des extraits pour la toute première fois sur scène au Gesù. Polaris raconte la lutte d’une femme en proie à ses démons qui finit par échapper à la forteresse qu’elle s’est bâtie à l’intérieur d’elle-même en s’envolant à dos de tigre ailé.

Extrait de Tiger, d’Émilie Simon
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« C’est un peu une quête spirituelle, celle de se retrouver, de revenir à la vie, d’aller de l’ombre à la lumière », dit l’artiste, qui ne s’est jamais cantonnée au réalisme. Son élan naturel la porte en effet vers l’allégorie et les images poétiques, même si l’impulsion de départ provient toujours d’un sentiment personnel.

Je vais vraiment avec les messages de l’inconscient. Je raconte une histoire, mais je n’essaie pas spécialement de tout justifier.

Émilie Simon

Ce qui se dégage impose sa propre cohérence, comprend-on. Lily n’aurait jamais pu s’envoler à dos de licorne, par exemple. « Elle vit quelque chose de difficile, fait valoir la chanteuse, il faut la force d’un tigre pour la faire sortir de ça. »

Le fantôme de Kate Bush

Polaris, disque sombre autant que lumineux, est bien sûr façonné par toute une lutherie électronique, terrain de jeu naturel de cette compositrice formée à l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam) fondé par Pierre Boulez, un pionnier de la musique électronique. Il est aussi parfois plus pop que bien d’autres disques d’Émilie Simon.

Le fantôme de Kate Bush plane sur quelques morceaux ici, notamment sur Secrecy et Cristal, deux des chansons en anglais que contient l’album. L’artiste française reconnaît volontiers l’influence de l’icône britannique sur sa pratique. « J’ai grandi en écoutant ses albums, se rappelle-t-elle. Je me souviens aussi que, enfant, j’ai vu sur un de ses CD qu’elle réalisait ses disques elle-même. J’ai intégré très jeune l’idée qu’il n’était pas nécessaire de trouver un réalisateur et que je pourrais faire les choses moi-même. »

Extrait de Désert (2023), d’Émilie Simon
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Son concert de dimanche à Montréal constituera une occasion unique : la musicienne française jouera des morceaux de son dernier disque en formule solo pour la première... et dernière fois. Dès son retour en France, la semaine prochaine, elle amorcera les répétitions pour sa prochaine tournée, qui se fera en trio.

« Se produire en solo impose un dépassement de soi. C’est un challenge, mais ça vient aussi avec une autonomie et une liberté », observe-t-elle. Il lui manquera le partage « irremplaçable » qu’est la communication avec d’autres musiciens, mais elle pourra compter sur son fameux bras « bionique ». Puisqu’une partie du concert sera consacrée au répertoire de son premier disque, elle portera une version actualisée du premier modèle de cet instrument insolite.

En concert au Gesù, dimanche, 20 h. Son album Polaris paraîtra le 29 mars, à 20 h.

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