Le vétéran Christoph Eschenbach était de retour à la barre de l’Orchestre symphonique de Montréal mercredi soir pour la première fois depuis cinq ans, au côté du violoniste allemand Augustin Hadelich. Un programme relativement exigeant à l’exécution parfois trop sage.

Qui a eu l’idée de programmer les Trois pièces pour orchestre, op. 6, ET le Concerto à la mémoire d’un ange de Berg dans le même concert, qui plus est en première partie ? Non pas que les œuvres soient sans intérêt – ce sont assurément des chefs-d’œuvre –, mais leur enchaînement (près de 50 minutes de musique) revient à absorber deux repas extrêmement riches.

Pourquoi ne pas avoir remplacé les Trois pièces par un prélude de Wagner ou une ouverture de Brahms ou Schumann, pour rester dans l’univers germanique ?

On ne peut pas non plus dire que cette première partie bergienne nous ait convaincu sur le plan interprétatif. Les Trois pièces ont fait l’objet d’une mise en place très consciencieuse de la part du chef allemand (ce qui n’est pas rien, au contraire), mais on peinait à sentir l’extrême sensualité, le côté subtilement décadent inhérents à cette musique. Berg n’est pas si loin de Mahler et Richard Strauss, après tout.

Les tempos manquent souvent de définition, comme le langsam (« lent ») du premier morceau (Präludium), trop allant, ou la section allegro energico de la « Marche » finale, un brin mollassonne.

Le concerto pour violon va en quelque sorte dans la même direction. Le tout premier thème en étagement de quintes est fait de manière si peu expressive… De même, Berg a beau écrire molto largo (« très large »), puis molto adagio à la fin de la seconde partie, le chef et le soliste poursuivent leur périple à peu près comme si de rien n’était.

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Le chef d’orchestre allemand Christoph Eschenbach

Le meilleur pour la fin

En ce qui concerne Hadelich, on se dit d’abord qu’il est sans doute bridé par l’accompagnement trop carré de son compatriote. Non que le son et le sens du chant ne soient pas à leur zénith. On comprend toutefois à qui on a affaire en l’entendant dans son rappel, l’adagio de la Sonate pour violon seul no 3 en do majeur, BWV 1005, de Bach, qui n’avait rien d’un adagio, jusqu’à avoir un côté « rengaine enfantine », malgré un remarquable sens des nuances (magnifique reprise pianissimo !).

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Le violoniste Augustin Hadelich en pleine prestation

Les spectateurs qui sont repartis après l’entracte – un nombre négligeable – ont manqué le plus beau. Ayant surtout fait carrière comme pianiste spécialiste du répertoire germanique, de Mozart à Brahms, Christoph Eschenbach est chez lui dans la Symphonie no 7 en la majeur, op. 92, de Beethoven.

On est évidemment loin des interprétations « historiquement informées », le chef privilégiant une approche plutôt traditionnelle quant à l’emploi du vibrato et au choix des tempos. Si on a droit à un finale bien énergique, le scherzo et le vivace initial sont pour leur part plutôt posés, sans être non plus ennuyeux.

D’autres préféreront peut-être l’approche plus tonique d’un Paavo Järvi ou d’un Giovanni Antonini, mais le Beethoven bien investi d’Eschenbach chante et brille d’un bout à l’autre.

Le concert est repris ce jeudi à 19 h 30 à la Maison symphonique.