La salle Bourgie soulignera, les 4 et 5 novembre, le centenaire de naissance de György Ligeti, un des créateurs de musique les plus importants du XXe siècle. Le pianiste français Pierre-Laurent Aimard, proche collaborateur de l’artiste disparu en 2006, sera l’invité d’honneur de ce minifestival.

« C’était ma responsabilité de fêter cette année de la façon la plus présente possible », affirme l’interprète, joint juste avant son envol pour Amsterdam pour jouer le Concerto du compositeur hongrois, une des nombreuses étapes d’une intense année Ligeti.

« Je l’ai connu lorsque j’interprétais ses œuvres et qu’il était là pour conseiller ses interprètes. Cela a commencé alors que je devais avoir une vingtaine d’années et que j’étais membre de l’Ensemble intercontemporain. Cela s’est poursuivi et il a commencé à composer des pièces que j’ai régulièrement créées. J’étais donc un peu aux premières loges, j’avais la tâche de les comprendre et de les faire comprendre. C’était une chance formidable pour un interprète de travailler avec un créateur aussi fertile », se souvient le pianiste, qui a enregistré l’intégrale de référence des œuvres de Ligeti pour Sony dans les années 1990.

Y aurait-il un peu de Pierre-Laurent Aimard dans les partitions de Ligeti ? Il n’est pas rare, après tout, qu’un compositeur cherche conseil auprès des interprètes de ses œuvres.

C’était un très grand maître qui savait parfaitement ce qu’il voulait réaliser et qui n’avait besoin de personne. On peut quand même aider le créateur à mieux préciser certaines choses (tempo, sonorité, etc.). On peut être là comme une sorte de miroir aussi fidèle que possible, mais le geste créateur, c’est lui qui le fait.

Pierre-Laurent Aimard

Cette création, elle, était nourrie par un parcours de vie aussi riche que funeste. « C’était un être extrêmement singulier, qui avait une très grande fantaisie, un imaginaire débordant et très original, et un profond sens de son indépendance », explique le pianiste, évoquant au passage les difficultés (c’est un euphémisme) subies par ce Juif ayant vécu successivement sous les régimes nazi et stalinien, avant de fuir vers l’Autriche.

« Il portait toujours cette dimension tragique en lui. Il y avait une dimension de liberté de l’esprit extraordinaire et, en même temps, la dimension d’un poids et d’une noirceur de l’existence qui était très forte, très présente », ajoute le spécialiste des répertoires moderne et contemporain.

« Concilier l’actualité avec l’héritage »

À Montréal, M. Aimard se penchera sur la Musica ricercata et une sélection d’Études du compositeur hongrois, qu’il fera dialoguer avec des Bagatelles de Beethoven – un autre radical, dit-il – et des études de Chopin et de Debussy.

J’ai été tout le temps dans cette équation de savoir comment concilier l’actualité avec l’héritage. Cela a toujours été le sens de toute mon activité musicale.

Pierre-Laurent Aimard

Sa conception du piano ligetien a-t-elle changé depuis 30 ans ? « Avec le temps, on s’enrichit, on réfléchit, on travaille, on découvre plus de couches, estime le pianiste. Je pense qu’on maîtrise mieux une interprétation également. Mais au départ, j’ai eu une information qui était à la source et que j’ai essayé de recueillir de la façon la plus exhaustive possible, donc il peut y avoir un enrichissement, mais pas un changement véritable, à mon sens. »

La conception du son pianistique est un des invariants dans la carrière du musicien, qui dit chercher non pas un « beau » son, mais un son « adéquat ». « Lorsqu’un compositeur est expressionniste et qu’il travaille avec le cri humain, il ne s’agit pas de beauté, il s’agit de puissance de l’expression, d’adéquation de la sonorité avec l’intention gestuelle, résume Pierre-Laurent Aimard. En conséquence, il y a autant de types de beauté que de conceptions de la beauté. C’est la plasticité de notre outil de travail, qui est la sonorité, qui fait à mon sens la richesse de notre activité. »

Le minifestival Ligeti, composé d’une conférence et de trois concerts, se déroule les 4 et 5 novembre à la salle Bourgie.

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Bach en dialogue avec aujourd’hui

Vu l’annulation du concert de John Eliot Gardiner, qui devait avoir lieu hier, c’est l’excellente violoncelliste états-unienne Alisa Weilerstein, femme de Rafael Payare, qui inaugurera le Festival Bach avec Fragments. Le projet, étalé sur plusieurs années en six programmes différents, fait alterner les mouvements des Suites pour violoncelle de Bach avec 27 œuvres commandées à des compositeurs comme Osvaldo Golijov, Thomas Larcher, Matthias Pintscher et Ana Sokolović. Le tout est présenté avec scénographie, mise en scène et jeux de lumière. Les Montréalais pourront entendre les deux premiers volets le 10 novembre.

À la Maison symphonique le 10 novembre, 19 h

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Jean Rondeau, complètement marteau

Jean Rondeau est un des clavecinistes les plus brillants de sa génération. Pour son retour dans la métropole, celui qu’on compare parfois à Scott Ross troquera les plectres pour les marteaux du pianoforte de la salle Bourgie. Le musicien présentera un florilège de morceaux de son nouveau disque, Gradus ad Parnassum, dont des extraits du recueil homonyme de Clementi, mais aussi des œuvres de la « sainte trinité » classique viennoise – Mozart (dont la célèbre Sonate en do majeur, K. 545), Haydn et Beethoven – et du précurseur Johann Joseph Fux.

À la salle Bourgie le 15 novembre, 19 h 30

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Amour et trahison à l’Opéra de Montréal

Plusieurs ont pu entendre l’Orfeo de Monteverdi l’été dernier au Festival de Lanaudière. Écrit à la fin de la vie du compositeur, Le couronnement de Poppée possède également des pages d’une rare beauté, dont le célèbre duo « Pur ti miro ». L’œuvre sera donnée par l’Opéra de Montréal au Centre Pierre-Péladeau sous la direction de Nicolas Ellis et de son Orchestre de l’Agora. La distribution, constituée de membres anciens ou actuels de l’Atelier lyrique, comprendra notamment Emma Fekete (Poppée), Rachèle Tremblay (Octavie) et Ilanna Starr (Néron).

Au Centre Pierre-Péladeau le 18 novembre, 19 h 30, et le 19 novembre, 14 h

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De la grande visite d’Arménie

On a fait beaucoup de cas de la visite de l’Orchestre de Paris et de l’Orchestre de Philadelphie en mars prochain. En attendant, c’est l’Orchestre philharmonique national d’Arménie que Montréal recevra le 19 novembre à la Maison symphonique à l’occasion d’une tournée qui le mènera notamment au Carnegie Hall. L’ensemble, sous la direction de son chef Eduard Topchjan, marquera le 120e anniversaire de naissance de l’Arménien Aram Khatchatourian avec des extraits de son célèbre ballet Spartacus, ainsi que son Concerto pour violon, joué par nul autre que Sergey Khachatryan. La Symphonie no 2 de Rachmaninov permettra enfin de souligner le 150anniversaire de naissance du compositeur russe.

À la Maison symphonique le 19 novembre, 20 h

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