D’agréables découvertes et des valeurs sûres, vendredi soir pour le début de la saison de l’orchestre Arion à la salle Bourgie, un concert qui a permis de confirmer le talent de la pianiste Élisabeth Pion.

Le chef Mathieu Lussier a un don pour les trouvailles, que ce soit au concert ou au disque. Cette fois, une large part du mérite revient aussi à la soliste de la soirée pour ce qu’on a eu la chance d’entendre.

Comme les deux protagonistes l’ont rappelé, le directeur artistique d’Arion avait déjà eu la puce à l’oreille il y a deux ans lors d’une collaboration au Festival Classica. La pianiste avait alors conclu son interprétation des Concertos n13 et 24 de Mozart par l’Étude n26 (pour la main droite) d’Hélène de Montgeroult (1764-1836), un personnage fascinant dont nous avons parlé en ces pages samedi passé.

Il n’en fallait pas plus pour que la musicienne de 27 ans, qui terminait cette année son parcours à la Guildhall School de Londres, soit réinvitée pour donner plus de place à celle qui était appelée la « claveciniste dévergondée » par ses contempteurs, l’« impératrice » par ses thuriféraires.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La pianiste Élisabeth Pion, soliste de la soirée

Le Concerto pour piano n1 en mi bémol majeur était tout indiqué pour ces retrouvailles. Terminée en 1786 (la compositrice a alors 21 ou 22 ans), la partition, transcrite d’après deux concertos pour violon de son ami Viotti, n’a pas l’originalité de certaines de ses œuvres ultérieures.

Elle distille néanmoins une vraie joie de vivre et un art consommé de l’écriture pianistique.

Pion lui rend idéalement service sur le Broadwood de 1826 prêté par le mécène Jacques Marchand, notamment avec la cadence qu’elle a elle-même fignolée pour le mouvement lent, où elle fait un clin d’œil au XIXe siècle romantique.

Le vrai choc a été vécu après la pause, alors que Mathieu Lussier a dirigé son propre arrangement pour orchestre de trois pièces de Montgeroult (une fantaisie pour piano et deux pièces pour voix et clarinette), un bouquet qu’il a joliment intitulé Ouverture « L’impératrice ».

Il faut évidemment rendre à César ce qui revient à César. Le chef bassoniste, qui connaît à fond la musique de cette époque, a produit une orchestration idéalement nuancée, notamment chez les vents. Mais le génie musical de Montgeroult opère bel et bien dans tout cela, en particulier dans le foudroyant dernier mouvement, que notre voisin de derrière a qualifié à bon escient d’« hallucinant ». Un arrangement qui devra impérativement circuler.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La pianiste Élisabeth Pion et l’orchestre Arion

Symphonie trop peu entendue

Le reste de la soirée était consacré à Mozart, son aîné de huit ans, d’abord avec la Symphonie n26 en mi bémol majeur, K. 184 (même ton que le concerto, qu’il introduisait), puis avec le Concerto n24 en do mineur, K. 491, créé l’année même où le concerto de Montgeroult était terminé.

D’une durée d’à peine dix minutes, cette symphonie de jeunesse mériterait aussi d’être entendue plus souvent, en particulier à cause de son bouleversant mouvement lent en mineur.

Son premier mouvement est peut-être le seul où Lussier a, à notre sens, erré en matière de tempo, dirigeant ce molto presto à quatre temps comme s’il était écrit à la blanche.

Le geste du chef, qui dirige souvent large, à la mesure, manque aussi passablement de précision. On a parfois l’impression que le geste et l’impulsion rythmique ne sont pas coordonnés. Mais on n’y voit souvent que du feu grâce au professionnalisme des musiciens.

Cela dit, l’énergie de Mathieu Lussier fait florès dans le concerto de Mozart, aux tempos toujours justes, avec une soliste bien impliquée, qui là encore a proposé ses propres cadences.

Le concert est repris ce samedi à 16 h et dimanche à 14 h 30.