Après un hiatus de cinq ans et avoir failli arrêter la musique, Fanny Bloom est de retour avec Holistique, un quatrième album solo tourné vers les autres, aussi grave que léger, qui témoigne du chemin parcouru par l’autrice-compositrice-interprète.

Quand elle regarde le vinyle déposé sur la table du café montréalais où nous la rencontrons, Fanny Bloom est fière et contente... mais aussi légèrement surprise.

« J’en reviens pas, un peu. Mettons qu’on m’aurait réveillée après cinq ans, sans savoir tout ce qui s’est passé, en regardant en arrière je me dirais : “My God, je suis revenue.” »

En 2019, après 10 années intenses où elle a alterné par cycles de deux ans les sorties d’album – d’abord avec La Patère rose, puis en solo – et les spectacles, Fanny Bloom s’est heurtée à un mur. C’était un an après la sortie de Liqueur, et elle a stoppé sa tournée sans savoir si un jour elle reviendrait.

« J’avais étiré l’élastique et ça me rendait vraiment anxieuse », se souvient-elle. Et puis tout a déboulé : un diagnostic qui a compliqué les choses – « un truc génétique, mais là tout va bien » –, un bébé, une pandémie.

« Ça m’a shakée dans mes racines », dit Fanny Bloom, que la maternité a confrontée à une peur qu’elle n’avait jamais connue. « J’avais peur de mourir. Je m’imaginais ne pas exister dans ce monde où mon enfant existait et ça m’a rendue folle. »

Un « grand combat intérieur » pour la jeune maman, qui a pris conscience que « la vie va très vite et qu’on n’est pas éternel ». Ajoutez à cela la perte de repères liée à la pandémie, et vous avez quelqu’un qui a eu besoin de temps pour reprendre son souffle et se déposer.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Fanny Bloom

Multiples facettes

Le goût de la musique est revenu, doucement, il y a un an et demi. « J’ai essayé de me remettre un peu dans le bain. De m’asseoir au piano pour voir où j’étais rendue. Puis j’ai écrit des chansons. Puis je suis allée en studio. Puis j’ai produit mon album. »

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C’est que Fanny Bloom a décidé de prendre le contrôle. Après trois albums produits par Grosse Boîte (devenu Bravo Musique), elle est maintenant sous licence avec Audiogram, c’est-à-dire qu’elle est sa propre productrice. « C’était un grand terrain de jeu ! Il n’y avait personne pour dire : “On ne peut pas mettre de budget là ou là”, parce que c’est moi qui décidais. » Résultat ? Un album complètement à son goût. « Sinon, ce serait complètement de ma faute ! »

Cela va bien avec le titre de l’album, Holistique, qui signifie « considérer un objet dans son ensemble, comme un tout ». « C’est un mot qui m’a rassurée pendant cette période post-partum, post-pandémie. J’avais besoin de m’ancrer dans quelque chose. De faire : OK, on est connectés. »

C’est ce qui a mené à cet album aux facettes multiples, où les arrangements de cordes se frottent à une collaboration avec le rappeur Greg Beaudin, où un hymne disco côtoie une bouleversante chanson pour son fils, qui parle du beau et du moins beau et qui est écrit en grande partie au tu.

J’étais rendue là, je pense. J’avais fait le tour de mon moi-même. Donner naissance, s’occuper de quelqu’un, ça donne une perspective vraiment différente sur les autres.

Fanny Bloom

L’album d’une naissance et d’une renaissance, donc ? Elle réfléchit un peu. « Je pense que oui. Il y a clairement avant cet album, et celui-là et le reste. Je ne sais pas ce que sera, mais c’est sûr que ce ne sera plus jamais pareil. Je ne pense pas être tout à fait la même personne non plus. Je suis mieux, cela dit ! »

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Nouvel équilibre

La productrice Fanny Bloom s’est bien entendue avec la créatrice Fanny Bloom. « Les chemins se faisaient automatiquement, raconte-t-elle. Gérer des budgets, s’assurer qu’on respecte les deadlines... J’ai un côté business qui est là, bien légué par ma mère. Je pourrais être une bonne productrice pour d’autres. »

Elle a donc coréalisé avec le Valaire Thomas Hébert, complice depuis toujours dans l’amour comme dans le travail, une série de chansons bien polies. De « petites pierres brossées », dit Fanny Bloom, qui aime le travail en studio, chercher de nouvelles sonorités, peaufiner, dans le but de construire de riches bijoux électropop.

La créatrice s’est entourée d’une foule de collaborateurs, dont Vincent Legault aux arrangements de cordes, et Erika Angel aux arrangements de voix, qui lui a apporté « de nouvelles couleurs ».

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Fanny Bloom ne regrette pas ses années effervescentes. « C’est ça que je voulais. J’avais le temps, j’avais du fun. Mais à un moment, j’avais tiré tout le jus que j’avais. »

Maintenant qu’elle a « remis l’éponge dans l’eau », elle est heureuse d’avoir trouvé un nouvel équilibre pour profiter de son fils et de la vie. Revenue activement dans la création, Fanny Bloom a aussi commencé cette année à faire de la musique à l’image. Elle travaille (fort) sur la série Sorcières qui est diffusée à TVA, et apprécie cette « porte qui s’ouvre » et qu’elle n’attendait pas.

Je ne pensais pas qu’à 37 ans, j’allais travailler autant en musique, gagner aussi bien ma vie, et faire des choses aussi excitantes avec des gens que j’aime.

Fanny Bloom

Elle espère donner des spectacles, mais est surtout heureuse que l’album qu’elle voulait faire existe. « J’aimerais que les gens le reçoivent dans la légèreté. Il faut prendre soin de nous ! C’est un peu ça, le dialogue avec l’autre. J’espère que les gens qui vont l’écouter vont se sentir interpellés. »

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Que veut-elle lui dire, à l’autre ? « Je te comprends. C’est niaiseux, mais c’est ça. On dirait que j’aime l’humain plus que je l’aimais avant. J’espère que ça va se ressentir. »

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