Charlotte Cardin ne cesse de mieux faire et nous le prouve avec un deuxième album où sa pop est plus définie que jamais.

Il a fallu un été à Charlotte Cardin pour donner le premier souffle à ce qui deviendrait l’album 99 Nights. Après le succès de Phoenix, un disque que la critique et les fans ont adoré, la Montréalaise a réussi à faire fi de la pression d’une suite en créant sans crainte, sans pression, seulement pour exorciser certaines peines, échapper à d’autres inquiétudes et prendre le temps de mieux se comprendre.

Il a fallu ensuite donner à son matériel une forme plus aboutie. Encore une fois très bien entourée, elle a su capter en 12 chansons, 39 minutes, son désir d’une pop épurée, mais toujours captivante. Une pop variée, mais toujours cohérente. Une pop qui fait danser, mais dont les mots désignent des peines et des réflexions parfois déchirantes, d’autres fois rédemptrices.

Son gérant et ami Jason Brando, avec qui elle écrit depuis toujours, est de toutes les pièces, ou presque. L’auteur-compositeur-interprète Lubalin, le musicien Mathieu Sénéchal, Aliocha (le conjoint de Cardin) et Patrick Watson ont aussi aidé à mettre les bons mots sur ses idées et ses ressentis. Sam Avant, Rob Grimaldi, Jorgen Odegard et DFA comptent parmi les réalisateurs internationaux vers lesquels elle s’est tournée, créant un objet qui flirte joliment avec différents styles, de la soul au R&B, en passant par l’électro-pop.

Le rappeur établi à Montréal Skiifall est le seul autre artiste que l’on entend sur 99 Nights. Son drill est un court ajout tout à fait bienvenu sur Enfer, une chanson bilingue sur laquelle Cardin laisse sa voix être utilisée comme un écho, comme si elle nous provenait justement des limbes. Elle ne prend pas trop de place, le rythme que bat la batterie est au contraire omniprésent, et c’est parfait comme ça.

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Charlotte Cardin a pris encore plus confiance en sa voix, son principal instrument, ce qui lui permet de superbes choses, tout en ne cherchant pas à faire des acrobaties. Souvent feutrée, joliment nuancée, délicieusement suave, sa voix peut en faire beaucoup en ce qui semble être très peu d’effort (mais on se doute de tout le travail et du talent qu’il faut pour cela). Lorsqu’elle est presque en train de chuchoter, comme sur Way Back (sur laquelle le saxophone est, par ailleurs, un ajout judicieux), on est enrobés par sa douceur, frappés par les variations d’émotions qu’elle transmet.

Cela ne veut pas dire qu’on n’assiste pas ici et là à des moments vocaux puissants. L’intensité ne vient pas forcément d’une note poussée très haut, très longtemps, très fort. Elle nous le prouve en étant toujours délicate et puissante à la fois. Mais lorsque vient le temps de faire de petites prouesses, Charlotte Cardin est aussi au rendez-vous. La finale de l’album Next To You, l’une de nos préférées, est l’un de ces moments. Elle ne chante pas plus fort que sur les 11 chansons précédentes, mais elle est d’une justesse renversante, tandis que la composition et la production (signées Patrick Watson) élèvent encore plus le morceau.

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La chanteuse s’est fait plaisir dans l’écriture de cet album qu’elle a fabriqué lors d’un été, pendant ces 99 nuits métaphoriques où son besoin de laisser-aller, de s’évader aussi, a fait des étincelles.

Pour parler de la joie de vivre, de ce sentiment de liberté qui nous traverse lorsqu’on lâche prise, elle se compare à un chiot qui sent le vent sur son visage en sortant la tête de la fenêtre d’une voiture (Puppy, pièce d’ouverture). Sur Looping, la structure de la chanson illustre les paroles qui abordent les schémas de pensée répétitifs en rendant la pièce elle-même itérative.

Sur Jim Carrey, c’est en demandant à l’acteur canado-américain de l’épouser que Charlotte Cardin aborde sa volonté de laisser aller son ego, son envie d’en être libérée. La pièce est inspirée par une entrevue de l’acteur où il parlait du besoin d’acceptation et du fait que cela nous fait nous accrocher à notre ego. De cette réflexion et de celle que Cardin a formulée ensuite est née une chanson pop aussi fun qu’elle est méditative.

Le refrain de How High est un bijou pop à lui seul. « I wonder how high you gotta be for you to love me ? /Drunk you gotta be for you to care ? /Tonight you gave me something to remember, although I know you weren’t really there », lance-t-elle sur un rythme de basse et de percussions aussi simple que convaincant.

Parce que l’œuvre de Charlotte Cardin devient une expérience d’autant plus prodigieuse en concert (cette voix, ce style, cette interprétation !), il nous tarde de découvrir 99 Nights sur scène. Car sur enregistrement déjà, la Montréalaise dépasse les attentes.

99 Nights

Pop

99 Nights

Charlotte Cardin

Cult Nation

8,5/10