Comme si les cinq musiciens les plus cool en ville avaient retrouvé une boîte de démos inédits des B-52’s et les avaient réenregistrés dans l’urgence et l’ivresse d’une nuit d’été.

Le post-punk, ce vaste sous-genre qui a complexifié et densifié le simplissime programme initial du punk, connaît depuis quelques années de nouveaux beaux jours. D’enthousiasmants groupes anglais ou irlandais dirigés par de jeunes gens pathologiquement cafardeux (Fontaines D.C.), catatoniques (Dry Cleaning) ou fou furieux (Shame) ont trouvé dans l’œuvre de The Fall et Joy Division une sorte de bible.

La sorte de post-punk à laquelle s’abreuve la formation montréalaise La Sécurité a quant à elle peu en commun avec ce spleen typiquement anglais, ses maîtres à penser semblant plutôt émaner du pendant américain de cette esthétique.

Pensez à la voix digne d’un robot sexy, aux chœurs façon meneuses de claque féministes et aux claviers intergalactiques des B-52’s (Suspens). Pensez à la section rythmique sous influence funk des Talking Heads. Pensez au dance-punk new-yorkais des années 1980, qui n’avait conservé du disco que son euphorisant squelette (Serpent). Pensez à des guitares que l’auteur de ces lignes doit obligatoirement décrire en employant l’adjectif « angulaires » s’il ne souhaite pas que soit révoqué son droit de pratique en tant que critique rock (Dis-moi).

Mais parce que le post-punk ressurgit au moins tous les 15 ou 20 ans, La Sécurité aurait aussi été à sa place dans le New York du début du millénaire, celui du livre et du documentaire Meet Me in the Bathroom, alors que des groupes comme The Rapture et LCD Soundsystem déployaient tout afin de réinsuffler une certaine coolitude aux scènes du pays, lestées par dix ans d’apitoiement grunge.

Mené par Félix Bélisle (basse), de Choses Sauvages, et par la chanteuse Éliane Viens-Synnott (aussi derrière les claviers), La Sécurité compte également sur les guitaristes Laurence-Anne Charest-Gagné (qui fait carrière en solo sous son prénom) et Melissa Di Menna (Meta Gruau, Jesuslesfilles), ainsi que sur le batteur Kenny Smith. L’amusant portrait que ses camarades tracent du dandy dans Waiting for Kenny l’érige déjà au rang de figure mythique de la nuit montréalaise.

Avec trois chansons sur dix interprétées dans la langue de Malajube, La Sécurité signe un album conjuguant l’irréprochable élégance de leurs influences à une impétuosité grâce à laquelle ces inépuisables idées empruntées au passé se redéploient dans le présent éternel du plancher de danse.

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7,5/10