Et si Portrait d’une Marianne, le morceau de bravoure de près de sept minutes sur lequel s’ouvre Sprint !, était en réalité, comme Like a Rolling Stone de Dylan, une sorte d’autoportrait déguisé en lettre à quelqu’un d’autre ? « Tu peux faire tout ce que tu veux », chante Thierry Larose, comme s’il se parlait à lui-même et, surtout, comme s’il souhaitait nous annoncer qu’il s’était donné toutes les permissions.

L’ambition. Telle est la plus précieuse qualité de Thierry Larose. Derrière sa dégaine nonchalante, l’enfant chéri de la nouvelle chanson québécoise est capable de charger un texte-fleuve d’images impressionnistes et de symboles associés à la Révolution française (Portrait d’une Marianne), sans passer pour un pur mégalomane. Thierry Larose se pose de vastes questions, mais a toujours les moyens de leur fournir des réponses passionnantes.

Cette immense ambition n’a ainsi rien d’arrogant, au contraire, et semble plutôt irriguée par une inépuisable admiration pour son petit clan. Dans Baleine et moi, le lauréat du prix Félix-Leclerc nomme quatre chansons : L’été indien, Le tour de l’île et Mille après mille, mais aussi Ça va ça va, écrite par Philémon Cimon, mais créée par Lou-Adriane Cassidy, une de ses principales collaboratrices. En plaçant ainsi côte à côte trois classiques absolus et une œuvre récente, le musicien de 25 ans parle manifestement de sa confiance en la capacité de sa génération à créer de grandes choses.

Coréalisé avec Alexandre Martel (qui était aussi derrière Cantalou), Sprint ! foisonne de toutes parts et grouille d’un paquet de références qui ne sentent pourtant jamais le vieux. Pourquoi ? Parce que sur ce deuxième album porté à la fois par un phénoménal instinct pour la synthèse mélodique et par un refus de modérer ses effets, Larose semble toujours conscient d’à qui il emprunte, de la strokesienne Cœur de lion à Comme dans mes souvenirs, que Marie Michèle Desrosiers aurait pu interpréter sur Où est passée la noce ?.

Si « le drame est accru quand le refrain renaît de ses cendres », l’euphorie l’est également, accrue, à la sortie d’un bridge aussi galvanisant que celui de Demain, demain, une chanson apothéose remplie d’une émouvante foi en l’avenir. Thierry Larose rugit, rougit, la bouche pleine de confettis, et on danse avec lui, toute la nuit.

Sprint !

Rock

Sprint !

Thierry Larose

Bravo musique

8/10