« La clé, c'est de produire du contenu québécois pour les Québécois, affirme le journaliste et cofondateur de Vice Media en entrevue exclusive avec La Presse. Notre philosophie a toujours été basée sur la production de contenu original et local.

« Depuis mars, notre bureau de Montréal est dirigé par Delphine Poux, une ancienne de Rogers [partenaire canadien de Vice Media] dont l'objectif est de développer nos opérations au Québec. Nous agrandissons présentement nos bureaux afin de les doter d'installations à la fine pointe de la technologie. »

Il faudra toutefois attendre avant de voir naître une version québécoise francophone de la chaîne câblée Viceland, inaugurée en février dernier au Canada anglais et aux États-Unis, qui diffuse le contenu original et irrévérencieux de Vice 24 heures sur 24. « On cherche des partenaires, ce n'est pas pour tout de suite », affirme Alvi.

Vice Media compte lancer Viceland dans 20 pays au cours des 12 prochains mois, en plus d'ouvrir de nouveaux bureaux à l'international. Mais cette expansion ne se fait pas sans heurts : une quinzaine d'employés des États-Unis et du Royaume-Uni ont perdu leur emploi hier dans ce qui semble être une centralisation des opérations télé et numériques de l'entreprise.

Petit magazine deviendra grand

La présence de Suroosh Alvi dans la métropole était un retour aux sources pour celui qui a lancé Voice of Montreal, un mensuel alternatif anglophone, avec Shane Smith, en 1994. « Je ne l'ai pas raconté souvent, mais j'ai eu l'idée de Vice en désintox, a relaté Alvi devant une salle bondée. Je participais à un atelier d'écriture et on nous demandait : que voulez-vous faire de votre vie ? J'ai écrit que je voulais travailler pour un magazine. »

Il s'en est écoulé du temps depuis l'époque où le jeune homme frappait de porte en porte pour convaincre des commerces montréalais d'acheter de la publicité dans son fanzine. Aujourd'hui, l'entreprise multimédia compte Disney et 20th Century Fox parmi ses actionnaires. « Notre siège social est à Brooklyn, mais nous avons toujours gardé un petit bureau à Montréal pour la comptabilité », explique Alvi.

Même si Vice a d'abord existé sur papier, c'est pour ses contenus vidéo que l'entreprise médiatique est aujourd'hui reconnue à travers le monde. Sur son site, on peut visionner des contenus dans presque tous les domaines : musique, sport, politique, mode, technologie, voyages, etc.

L'approche est toujours la même : raconter une histoire autrement.

Suroosh Alvi, qui réalise encore des reportages sur le terrain, raconte que son épiphanie a eu lieu le jour où CNN a mis un de ses reportages vidéo en ligne sur sa page d'accueil. La vidéo en question - un reportage qui défrise sur le marché de la vente d'armes au Pakistan - a été visionnée par des millions de personnes. « C'est devenu clair pour nous que c'est dans cette direction que nous devions aller. Ce fut un moment marquant. »

En plus de ses chaînes numériques et de Viceland, Vice produit aujourd'hui une émission hebdomadaire pour la chaîne HBO et travaille à un projet d'émission quotidienne d'information pour la même chaîne. Alvi refuse d'en dire plus pour le moment, car les fils du projet ne sont pas encore attachés.

La touche magique

Quel est le secret de Vice ? C'est la question que se posent les médias traditionnels qui rêvent de connaître la formule magique pour rejoindre des millions de jeunes à travers le monde, des jeunes qui ne lisent presque plus les journaux et ne regardent pas beaucoup plus la télévision.

« C'est assez simple, affirme Suroosh Alvi. Nous produisons un contenu honnête, nous permettons aux gens d'avoir une opinion et nous montrons l'autre facette de la nouvelle. »

Sans surprise, la majorité des employés de Vice Media sont jeunes. « Bien sûr, nous avons besoin d'adultes pour gérer l'entreprise, mais l'esprit de l'entreprise doit être jeune, rappelle Alvi, qui est dans la quarantaine. Ce sont eux qui doivent fabriquer le contenu, qui doivent être devant la caméra. Il n'y a pas tant d'endroits pour les jeunes qui veulent travailler dans les médias, nous avons comblé un vide. »

Cette obsession de la jeunesse n'a toutefois pas empêché Vice de s'associer à la féministe de 82 ans Gloria Steinem qui anime la série Women, sur la chaîne Viceland, depuis le 10 mai dernier. « Shane Smith l'a entendue dans une conférence et a été très touché par ses propos, raconte Suroosh Alvi. Elle est venue dans nos bureaux et nous avons décidé de travailler ensemble. » L'actrice Ellen Page anime pour sa part Gaycation, un tour du monde visant à découvrir la culture LGBT partout sur la planète.

L'autre secret de Vice, c'est son habileté à saisir les bonnes occasions, assure Suroosh Alvi. « Quand il y a un auditoire potentiel, nous y allons. Nous sommes agnostiques quand il est question de plateformes : on s'en fout si c'est le mobile, le câble, l'internet ou le cinéma. Quand on a lancé notre chaîne câblée, les gens nous ont dit : voyons, c'est complètement dépassé ! Mais pour nous, c'est une autre avenue avec un auditoire, alors on y va. »

Trois documents vidéos pour comprendre l'esprit Vice

The Vice Guide to North Korea

Le reportage du cinéaste Medyan Dairieh qui a passé trois semaines au sein du groupe État islamique

The Vice Guide to Congo

Vice, c'est...

• Des bureaux dans plus de 30 pays

• Un site : vice.com

• Une division information : Vice News

• Des chaînes numériques

• Un magazine

• Une étiquette de disques

• Une maison d'édition de livres