Le trio Niel-Bergé-Pigasse, futurs propriétaires du Nouvel Observateur, vont installer une nouvelle direction pour redresser le magazine, lourdement déficitaire, forçant au départ les patrons actuels, Laurent Joffrin et Nathalie Collin.

Les deux codirecteurs du Nouvel Observateur, Nathalie Collin, directrice générale, et Laurent Joffrin, directeur de la rédaction et de la publication, ont annoncé mercredi leur démission, qui sera effective à la fin du processus de rachat, vers la mi-avril.

Premier magazine de nouvelles français, avec près de 500 000 exemplaires par semaine, le Nouvel Observateur avec ses filiales, dont le site Rue 89, est un gouffre financier: il a perdu 9,8 millions d'euros en 2013, a indiqué LML, le holding des trois hommes d'affaires qui rachètent le titre.

Le départ annoncé de Laurent Joffrin et Nathalie Collin est le premier effet concret de l'arrivée des nouveaux actionnaires - le patron de Free Xavier Niel, l'homme d'affaires Pierre Bergé et le banquier Matthieu Pigasse -, également propriétaires du groupe Le Monde depuis 2010.

Leur holding Le Monde Libre a conclu en janvier l'acquisition pour 13,4 millions d'euros de 65% du Nouvel Observateur, dont le fondateur Claude Perdriel gardera 35%. Ce rachat sera bouclé après le feu vert de l'Autorité de la concurrence, attendu mi-avril.

Protégée par un taux très élevé d'abonnés individuels (environ 400 000), la diffusion du magazine n'a que légèrement baissé depuis 2008, où elle était de 510 000 mais il a souffert de la baisse des recettes publicitaires, comme tout le secteur.

LML compte installer à la tête du Nouvel Obs un nouveau directoire, un tandem composé d'un gestionnaire et d'un responsable éditorial, qui devra s'atteler au redressement du groupe, selon la même source.

«Quand il y a  une cession majoritaire du capital dans une entreprise déficitaire, il n'est pas illogique qu'une dynamique nouvelle implique une nouvelle incarnation. Et pour créer une dynamique, mieux vaut qu'une nouvelle équipe soit en place lorsque la cession sera effective», commente-t-on chez LML. Aucun nom n'est encore arrêté.

Pourtant, lors de l'annonce de la cession du magazine aux propriétaires du Monde en janvier, Claude Perdriel s'était engagé à garantir le maintien de Laurent Joffrin et de Nathalie Collin.

Laurent Joffrin, qui n'a pas eu le choix, a simplement annoncé à ses collaborateurs que la direction lui avait proposé de rester éditorialiste, ce qu'il a accepté, alors que Nathalie Collin, elle, quitte le groupe.

«Une page se tourne»

À la rédaction, personne n'a été vraiment étonné. «Personne n'est surpris. Les esprits étaient préparés à ce qu'une page se tourne, il est cohérent que le changement d'actionnaires se traduise par un changement de dirigeants. Mais nous avons un pincement au coeur car Laurent Joffrin était très respecté, même si le journal s'endormait un peu. Qu'il reste comme éditorialiste est rassurant», a résumé un journaliste. Certains journalistes se disaient cependant inquiets des objectifs d'économies de leurs nouveaux propriétaires, dont le projet n'est pas encore connu.

Le changement d'actionnaires déclenchera une clause de départ, qui permet aux journalistes qui le souhaitent de partir dans des conditions favorables, selon la convention collective de la presse, ce qui devrait réduire les effectifs (230 salariés).

Ce remplacement de direction rappelle ce qui s'est passé au journal Le Monde: les nouveaux propriétaires, un mois après le rachat du journal en novembre 2010, avaient débarqué le président du directoire Éric Fottorino, remplacé par Louis Dreyfus, ex-directeur général du Nouvel Observateur et de Libération, avant un plan de réduction des coûts.

Laurent Joffrin, 61 ans, journaliste et essayiste, a été l'un des patrons emblématiques du Nouvel Observateur, qu'il a dirigé plusieurs fois, en alternant avec la direction de Libération.

Il a pris la tête de la rédaction du Nouvel Obs en 1988, remplaçant Franz-Olivier Giesbert, puis dirigé la rédaction de Libération en 1996, est revenu à la tête de l'Observateur en 1999 puis reparti à «Libé» en 2006 comme directeur de publication pour mener à bien un plan de relance, aux côtés de Nathalie Collin. Il était ensuite revenu à la tête du Nouvel Observateur avec Nathalie Collin depuis 2011.