Il y en a qui se découvrent une passion même quand ils ne sont pas tombés dans la marmite durant leur enfance. Samuel Larochelle n’était pas plus programmé pour voyager seul autour du monde que pour écrire, lui qui a grandi dans un milieu ouvrier en Abitibi et dont les voyages en famille se résumaient à « des coups de soleil commandités par le parc aquatique de Saint-Sauveur ».

C’est justement pour mesurer le chemin parcouru pendant ses 20 ans de pérégrinations autour du monde que l’auteur et journaliste – qui collabore notamment avec La Presse – s’est assis pour écrire J’ai déjà fait sourire un douanier. Et l’automne dernier s’est avéré le moment idéal pour faire le point sur cette période de sa vie, même s’il montait « plein de spectacles en parallèle » et qu’il travaillait comme journaliste à temps plein.

« Je venais de publier mon plus long roman en carrière, Elias et Justine, et la biographie de Louise Portal, raconte le Montréalais d’adoption. Ça fait des années que lorsque je suis en voyage, je lis un des quatre tomes de La frousse autour du monde, de Bruno Blanchet. Et je rêvais un jour de faire ma version, avec mes histoires, mon point de vue puis ma forme d’écriture, aussi. »

Pris entre le tourbillon de ses succès professionnels – couronnés en novembre dernier par un prix du Gouverneur général pour son livre jeunesse Le plus petit sauveur du monde – et un tournant difficile dans sa vie personnelle qu’il préfère mettre de côté –, il a senti qu’il avait besoin de revenir à cette forme poétique et vaporeuse qu’il avait adoptée dans son livre J’ai échappé mon cœur dans ta bouche, il y a trois ans.

« J’ai déjà fait sourire un douanier, c’est plein de petits textes qui racontent mon épopée de voyageur, de 2003 à 2023. Des histoires de voyage et des émotions de voyageur. Avec une twist poétique », dit Samuel Larochelle, avant d’ajouter que c’est tout aussi « léger, mélancolique et bitch » que J’ai échappé mon cœur dans ta bouche l’était.

Humour pince-sans-rire

Il faut admettre qu’on s’amuse tout autant qu’on voyage allègrement en lisant J’ai déjà fait sourire un douanier.

Parce que celui qui se surnomme lui-même « le grand dandy à la plume hyperactive » marie un humour pince-sans-rire à des conseils et des réflexions plus ou moins sérieuses – « mais avec un fond de vérité ! »

Comme ses prétendues astuces pour une bonne photo de voyage, qui arrivent à peine quelques pages après le dur constat qu’il doit parfois « diluer » une partie de sa personnalité pour aller là où il veut en toute sécurité.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Samuel Larochelle

« Je suis homosexuel. J’ai les cheveux longs ; des fois, je porte des vêtements plus flamboyants ; des fois, je porte du vernis ; donc je fais des choix pour me protéger quand je vais dans certains pays. Mais je ne m’arrête pas. L’immense plaisir du choc culturel, de la découverte, de la rencontre de l’autre prend le dessus sur tout, mais je suis donc bien nerveux chaque fois », s’exclame-t-il.

Ses plus beaux voyages, il les a faits en Turquie, au Liban, à Bali, au Viêtnam, en Colombie. Et il en reste encore plein sur sa bucket list. « Je veux voir le plus de pays possible avant que la planète s’effondre. C’est ça, ma grande crainte, et j’essaie de ne pas participer le plus que je peux à cet effondrement », dit-il. Mais sa conviction – et elle lui vient d’une « amie écolo plus intelligente », précise-t-il – est que c’est souvent « en allant ailleurs, en voyant les effets des changements climatiques qu’on en devient plus conscient et qu’on change nos habitudes ». Et il y a moyen de voyager mieux, à son avis, à commencer par éviter les vols intérieurs quand on peut prendre un autre moyen de transport.

S’il est loin d’être prêt à arrêter de voyager, c’est qu’il a tant appris de ses expériences. « J’ai l’impression que plus on voyage, plus on devient de bons humains, plus on s’ouvre à l’autre, plus on fait tomber nos préjugés, plus on a une culture vaste, plus on a de facilité à entrer en relation avec des inconnus, ici ou ailleurs. Ça m’a tellement fait grandir, voyager. »

Le voyage lui a aussi appris à dompter son anxiété et à lâcher prise. Au point de se surprendre encore aujourd’hui – en plus de surprendre tous ceux qui pensaient qu’il n’aurait jamais le guts d’aller aux quatre coins du monde. « Il n’y a aucun de mes amis, aucun membre de ma famille qui aurait pu prédire que j’allais voyager autant, dans ce genre de pays et en solo ! », admet-il.

J’ai déjà fait sourire un douanier

J’ai déjà fait sourire un douanier

Stanké

200 pages