Trop peu d’hommes s’expriment publiquement sur les questions d’égalité des sexes et de la masculinité dite toxique, déplore l’essayiste Mickaël Bergeron. Il livre ses réflexions dans Cocorico – Les gars, faut qu’on se parle, ouvrage au ton convivial dans lequel il incite ses semblables à s’impliquer dans l’édification d’une société plus équitable et plus saine pour tous.

Ce ne sont pas les personnes en position de pouvoir qui poussent pour que les choses changent, souligne Mickaël Bergeron en ouverture de son essai Cocorico – Les gars, faut qu’on se parle. Les têtes couronnées n’ont pas mené la Révolution française et les riches entrepreneurs ne militent pas pour la syndicalisation. Il ne faut donc pas s’étonner, selon lui, que les hommes n’aient pas été en première ligne des transformations sociales des dernières décennies, souvent issues de luttes menées par les femmes.

Il y a des hommes, à qui on appose l’étiquette « masculiniste », qui déplorent la perte de pouvoir des hommes dans la société et dans l’intimité. Mickaël Bergeron, aussi chroniqueur à La Tribune, n’est pas de ceux-là. Après avoir exposé des faits et des statistiques au sujet des inégalités entre les sexes, de la violence des hommes – pas seulement envers les femmes – et de la détresse masculine, il en conclut une chose assez simple : ça ne va pas bien.

Il constate aussi que ce sont encore les femmes qui, de nos jours, soulèvent les questions au sujet des comportements masculins. « Ce que je déplore, ce n’est pas le leadership des femmes, écrit-il, mais bien le manque de leadership des hommes. » C’est pour passer de la pensée à l’acte qu’il écrit son essai et aussi pour « combler un trou dans le débat public ».

« Il y a des sujets dont je parle qui sont abordés depuis longtemps par des féministes et je ne voulais pas parler au nom des femmes, ni avoir l’air de parler au nom des femmes. C’est pour ça qu’il était important de souligner que je suis un gars qui veut parler aux autres gars », dit-il.

Et c’est malheureux à dire, mais quand il est question de certains sujets, je pense qu’il y a des gars qui écoutent davantage quand ça vient d’un autre gars.

Mickaël Bergeron

En pièces détachées

Son essai prend la forme d’une série de courts textes où il s’interroge autant sur la violence des hommes qu’au sujet d’une expression comme « Boys will be boys », sur la longueur du pénis comme de la taille des muscles de Thor, sur l’homophobie comme sur la virilité en 2023. Il lui arrive de faire référence à des textes pointus, mais le plus souvent, il trouve matière à réflexion dans la culture populaire (télé, cinéma, musique pop) et des situations de la vie quotidienne.

Ce qui ressort, entre autres, c’est l’étroitesse du modèle auquel bien des garçons ou des hommes croient nécessaire de se conformer pour entrer dans le club de la masculinité. Il ne blâme pas les garçons individuellement, plutôt les valeurs encore transmises par l’éducation (à la maison ou à l’école) et la culture. « Ça crée des cases qui ne sont pas nécessairement confortables pour les garçons, comme pour les filles,. Si en grandissant tu étouffes une partie de toi-même, ça n’aide pas à être bien et heureux. Et quand tu n’es pas bien, c’est là que tu développes des comportements qui peuvent être toxiques », avance-t-il.

Il existe un discours destiné à encourager les filles à faire fi des stéréotypes (à pratiquer un métier traditionnellement masculin, par exemple) et à être fidèles à elle-même. Il ne règle pas tout, mais il existe. Se pourrait-il que les garçons gagnent eux aussi à se faire dire qu’ils peuvent pas seulement faire ce qu’ils veulent, mais être ce qu’ils veulent ?

« Je pense que ça manque, convient l’essayiste. Il manque de modèles diversifiés dans la façon d’être et du moment où on présente un modèle qui est un peu à côté, ça choque ou ça fait scandale facilement. »

Sinon, on tombe vite dans le cliché : un gars qui s’intéresse à un milieu plus féminin doit être gai. Et il doit afficher une virilité pour compenser. Pourquoi ?

Mickaël Bergeron

Se libérer de la masculinité

Mickaël Bergeron n’est pas de ceux qui pensent qu’il faut « redéfinir » la masculinité. Son essai parle plutôt de se libérer des constructions et étiquettes restrictives dans lesquelles les hommes (surtout) enferment les autres hommes. Non, il ne croit pas un instant que les enjeux émotifs ou comportementaux vécus par les hommes soient la faute des femmes en général ni des féministes en particulier.

L’un des aspects intéressants de sa réflexion est d’ailleurs d’élargir le débat en s’interrogeant sur les relations amoureuses présentées aux hommes et aux femmes à travers le cinéma et la musique pop. Un modèle souvent malsain, selon lui. Il se questionne également sur le manque général d’éducation sexuelle et relationnelle. « La façon dont on gère nos relations de manière générale se répercute dans nos relations amoureuses, familiales et professionnelles », estime-t-il.

L’essayiste a le courage de ses idées : il évoque des expériences personnelles pour illustrer les difficultés relationnelles ou parler de consentement. Sa posture n’est jamais celle du donneur de leçons, ce qui l’éloigne de certains discours culpabilisants. « Je trouvais important de partager mes expériences pour dire : je ne suis pas mieux que vous autres, je suis dans le même bateau, explique-t-il. On est tous concernés. »

En librairie le 31 janvier

Cocorico – Les gars, faut qu’on se parle

Cocorico – Les gars, faut qu’on se parle

Somme toute

223 pages