Avant 18 h, alors qu'il gravissait l'escalier abrupt reliant la Basse-ville à la Haute-ville, un jeune homme a lancé à sa blonde: «Tu n'as pas peur d'avoir chaud?»

«Non, il fait froid et il vente sur les Plaines», lui a-t-elle répondu.

«Oui, mais dans le mosh-pit, pendant deadmau5, il va faire chaud!»

Cinq heures plus tard, les corps dansants réunis au parc des Champs-de-Bataille formaient en effet un îlot de chaleur pendant la traditionnelle soirée électro du Festival d'été de Québec (FEQ).

Plusieurs spectateurs arboraient des oreilles de souris emblématiques de la grande vedette de la soirée, deadmau5. L'auteur-compositeur électro natif de Niagara Falls (qui n'est pas un DJ, insiste-t-il) a démarré la machine de façon époustouflante avec des projections religieuses et squelettiques hypnotiques.

La foule a jubilé pendant un extrait de Raise Your Weapon. Après quelques minutes, Joel Zimmerman est sorti de son personnage animal pour ajuster le son étouffé qui agaçait les spectateurs. L'augmentation du volume a aussi élevé des filles dans les airs sur les épaules de leurs amoureux.

La visite de deadmau5 au Québec tombait à point: il vient tout juste de lancer un nouvel album, while(1<2).

La variété des projections derrière lui témoignait de la vitalité de son esprit créatif. Ont défilé devant les yeux des spectateurs des illustrations de BD, des images graphiques cubiques, différents univers de jeux vidéo, des artefacts d'époque, etc.

De voir la foule se gaver des compositions instrumentales de deadmau5 (en plus de ses reprises et remix) en disait long sur la popularité pop grandissante des auteurs-compositeurs électro.

Six heures d'électro

Nous étions sur les Plaines dès 18 h. Dans une forme olympique, Poirier et Face-T faisaient danser les premiers arrivés.

Des adolescents accoutrés s'échangeaient des messages textes, fébriles. La soirée électro du FEQ est l'un des grands happenings annuels des adolescents de Québec.

«Je viens pour deadmau5», a néanmoins tenu à préciser Laurianne Petit, 16 ans.

Depuis quatre ans, elle et son amie Victoria Robert ont assisté à toutes les soirées électros des Plaines du FEQ. «C'est l'ambiance qui est unique», dit l'une. «Il y a surtout des jeunes», ajoute l'autre.

«Définitivement une crowd très jeune, et c'est cool comme ça, nous a dit Poirier après avoir quitté la scène. À part les shows l'été, quand est-ce qu'un jeune de moins de 18 ans peut sortir pour voir des shows de musique électronique? Pas souvent. Pour nous, c'est une belle occasion de présenter nos tounes et notre son à un nouvel auditoire, note-t-il. J'ai même joué une nouvelle track qui sortira seulement en septembre.»

La soirée électro ne se démarque pas seulement par son caractère événementiel, mais aussi par sa programmation. À 19 h, nous avons découvert la fougue du jeune DJ et chanteur-orchestre californien Robert DeLong, dont les mélodies fébriles et la voix sensible rappellent fortement Postal Service et Ben Gibbard. Il a même repris Take A Picture de Filter et cité les Talking Heads. «You may ask yourself...»

À 20 h, nous avons fait un saut au parc de la Francophonie pour le spectacle de Jake Bugg. Une fois de plus, sa voix d'une autre époque et son aplomb folk-rock ont contrebalancé son flegme typiquement britannique. Belle à voir, la foule mélomane intergénérationnelle réunie devant le jeune homme de 20 ans a accueilli avec enthousiasme ses tubes Kentucky et Seen It All.

Quand Bugg est passé en mode électrique, l'énergie a monté d'un cran au son des accords à la Tom Petty de Messed-Up Kids et de la mélodie envoûtante de Ballad of Mr. Jones.

Daniel Lanois, qui s'est produit au Festival de jazz, succédait à Bugg, alors que Gogol Bordello (attendu à Osheaga) se produisait à la place d'Youville. Nous étions alors de retour sur les Plaines pour le trio californien The Glitch Mob.

Derrière leurs consoles aux airs de vaisseau spatial, les trois DJ s'exécutaient de façon chorégraphique devant des projections défilant à la vitesse de la lumière. Pour magnifier leurs beats lourds, Edward Ma (edIT), Justin Boreta (Boreta) et Josh Mayer (Ooah) martelaient des tambours transformés en réacteurs. Diablement efficace comme DJ set, surtout le remix de Smack My Bitch Up de The Prodigy. On a même vu un homme en fauteuil roulant faire du body surfing.

Notre plan de fin de soirée après deadmau5: aller au Cercle pour revoir Robert DeLong, où il se produisait à minuit. Une belle découverte au FEQ cette année.