Derrière le grand rideau du TNM, une voix s'élève, immédiatement reconnaissable, celle de Béatrice Martin qui s'approprie Ain't No Sunshine, la chanson de Bill Withers qui lance l'album de reprises qu'elle a enregistré pour la télésérie Trauma.

L'instant d'après, elle apparaît entourée de ses cinq musiciens sur une scène dont le plancher est décoré de petites chandelles. On voudrait créer une ambiance feutrée qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Mais ce climat propice au recueillement a failli jouer un tour à la jeune femme dont le public n'est véritablement sorti de sa torpeur qu'après l'entracte.

Chanter des reprises en anglais pour Béatrice Martin était une façon de se faire plaisir tout en se permettant une récréation de Coeur de Pirate, son «projet» principal. Se faire plaisir en se mettant en bouche des chansons de Bon Iver et de The National, entremêlées de choses moins récentes. Mais aussi, sur scène, pousser l'audace jusqu'à reprendre la mythique Love Will Tear Us Apart de Joy Division.

Après avoir chanté The Great Escape de Patrick Watson et Music When the Lights Go Out des Libertines, elle a précisé qu'elle avait aussi dans ses bagages des chansons plus connues, comme si elle avait de la difficulté à évaluer qui était dans la salle: les fans de Coeur de pirate, le public de Trauma, des fans qui partagent avec elle une affection pour le rock dit indépendant ou encore des touristes débarqués là par hasard en plein festival de jazz?

C'est alors qu'elle a livré avec ses musiciens une version fort belle du classique Stand By Me, amenée élégamment par le piano de la chanteuse et les archets de la violoncelliste et du contrebassiste avant que le reste du groupe s'en mêle. Elle a également glissé parmi les chansons de Trauma le thème principal de la musique qu'elle a composée pour le jeu vidéo Child of Light qui n'a pas semé le délire dans l'assistance.

Puis elle a donné congé à ses musiciens et s'est lancée dans You Know I'm No Good d'Amy Winehouse qui a été applaudie d'entrée.

Mais c'est vraiment après l'entracte qu'on l'a sentie plus décontractée, rassurée par un public plus enthousiaste qui semblait s'être substitué à celui de la première partie. Toujours seule au piano, elle a emprunté à Drake sa Hold On We're Going Home, enchaînant avec le standard Feeling Good et There Is a Light des Smiths, un assemblage réussi qui témoignait de son intelligence musicale.

Puis elle a fait une incursion en territoire de Coeur de pirate et chanté son premier succès Comme des enfants puis Ensemble avec ses musiciens et le public qui tapait des mains.

Visiblement ravie, elle savait qu'elle pouvait y aller de trois nouvelles chansons, dont deux en anglais, chanter Slow Show, joliment baroque, de The National puis reprendre Joy Division et même se taper les immortelles A Change Is Gonna Come de Sam Cooke et Someone To Watch Over Me des frères Gershwin.

Ce concert vraiment pas comme les autres nous aura essentiellement rappelé deux choses. Primo: Béatrice Martin a un goût sûr qui donne envie de la suivre partout où la mènera son inspiration. Et deuzio: la chanteuse en elle gagne chaque fois un peu plus en assurance et en autorité.