Lancé en juillet 2011 sous étiquette Concord Picante, le projet Ninety Miles a réuni les pianistes Rember Duharte et Harold López-Nussa, les bassistes Osmar Salazar et Yandy Martinez Gonzalez, les batteurs Ruy Adrian López-Nussa et Eduardo Barroetabena, ainsi que les percussionnistes Jean Roberto San Miguel et Edgar Martinez Ochoa. Recrutés par trois pointures américaines, ces illustres inconnus font carrière à La Havane. Le trompettiste Christian Scott, le vibraphoniste Stefon Harris et le saxophoniste David Sanchez avaient entrepris de souligner la courte distance qui sépare les États-Unis de Cuba en nommant leur projet Ninety Miles.

De cette première mouture, il ne restera que Sanchez et Harris en tournée: Christian Scott sera remplacé par Nicholas Payton et un personnel américain ou résidant aux États-Unis. Joint à New York, David Sanchez explique:

«Si nous n'avons pu faire de tournée un an après la sortie de l'album, c'est parce que nous ne le pouvions pas. Nos agendas de tournée ne pouvaient se synchroniser, ça s'organise un an plus tard. Enfin! Et puisque le nouvel album de Christian Scott sort bientôt, Nicholas Payton le remplace. Quant aux musiciens cubains, Harold Lòpez-Nussa et les autres ne peuvent partir en tournée avec nous. Trop de complications bureaucratiques, trop de frais supplémentaires, trop de résistance des promoteurs. Ça n'a pas de sens à nos yeux, mais il faut malheureusement vivre avec cette réalité.»

Force est de constater que la distance entre Cuba et les États-Unis demeure bien réelle mais, ...

«Le côté positif de tout ça, malgré tout, c'est que la musique de ce projet s'est transformée avec le nouveau personnel. La direction est différente et dépasse les considérations du départ. Un mal pour un bien, donc. Nous en sommes heureux et nous nous proposons de jouer cette musique avec ces nouvelles personnalités.»

Ces personnalités sont les suivantes: à Sanchez, Harris et Payton se joignent le pianiste vénézuélien Edward Simon, le batteur portoricain Henry Colon, le contrebassiste portoricain Ricardo Rodriguez et le percussionniste cubain Mauricio Herrera. On aura deviné que ces musiciens ne résident pas à Cuba. D'origine portoricaine, David Sanchez est néanmoins un habitué de l'île, même s'il a la citoyenneté américaine.

«Étant hispanophone et caribéen, j'y suis allé cinq fois depuis les années 90. Sans trop de difficultés. J'ai le sentiment d'y être chez moi, car cette culture musicale ressemble beaucoup à la mienne - d'ailleurs très influencée par la culture cubaine. J'y ai joué entre autres avec le pianiste Chucho Valdès, j'ai participé au projet Crisol Habana dirigé par Roy Hargrove. À Cuba, j'ai aussi été témoin de la grande qualité de l'éducation musicale offerte là-bas, sans compter les avancées que proposent les jeunes musiciens.»

D'où le projet Ninety Miles, fondé sur la rencontre de musiciens émergents du jazz cubain.

«Ils surfent sur l'internet et accèdent à plusieurs nouvelles musiques, nouveaux styles, nouveaux types d'interaction musicale... tout en conservant cette rigueur cubaine telle qu'on la connaît depuis tant d'années. Ainsi, des mélanges inédits sont parvenus à mes oreilles. Ces musiciens m'ont apporté une vision nouvelle de la musique cubaine et m'ont conduit à actualiser ma façon de composer. Je compte bien y retourner, d'ailleurs, afin d'y poursuivre la démarche», indique le saxophoniste.

«Ce qui m'a fait grandir à travers Ninety Miles? Ce projet m'apparaît comme une continuation moderne de l'Afrique, mais aussi des cultures musicales afro-caribéenne et américaine. Par exemple, je n'avais jamais autant travaillé avec le vibraphone et le marimba, dont les origines sont africaines. Sur la route, nous allons enfin vérifier le potentiel de l'affaire.»

____________________________________________________________________________

Le projet Ninety Miles sera présenté vendredi, à 18h, au Club Soda.