Ce fut sans doute le meilleur retour sur l'investissement au 31e Festival de jazz. Si d'autres n'ont joué qu'une heure et des poussières à Wilfrid-Pelletier, le Steve Miller Band et les Doobie Brothers, qu'on n'avait pas vus depuis longtemps, nous y ont offert plus de trois heures d'une musique vitaminée, lundi soir.  

Steve Miller, qui montait sur scène après l'entracte, a joué ses succès, mais pas que ses succès. Sans chercher à épater, le guitariste et chanteur américain a fait un tour d'horizon des musiques qu'il chérit: le country, le rhythm and blues de La Nouvelle-Orléans et surtout le blues qu'il pratiquait à ses débuts dans les années 60 et qui fait l'objet de son tout nouvel album, Bingo! Miller a laissé beaucoup de place au tout nouveau membre de son groupe, le spectaculaire chanteur -et danseur!- Sonny Charles qui remplace Norton Buffalo, le compagnon d'harmonies de Miller pendant 33 ans que le cancer a fauché. Avec Charles et trois musiciens aussi efficaces que discrets, Miller nous a même chanté Nature Boy de Nat King Cole pour prouver à tous les sceptiques qu'il a sa place dans un festival de jazz.

Miller a commencé fort avec Jet Airliner et Take the Money and Run, et il a même invité Patrick Simmons des Doobie Brothers à venir jammer avec lui comme ils en ont l'habitude. Mais c'est quand Miller est resté seul sur scène avec ses guitares acoustiques pour quelques chansons, dont une version délicieuse de The Joker, qu'il s'est vraiment imposé. Il a fini en beauté avec la plus belle version de Fly Like an Eagle qui se puisse imaginer: à la fois spatiale et bluesée, tout en finesse et avec de superbes solos de l'organiste Joseph Wooten et de Miller lui-même à la guitare électrique.

Mais la partie n'a pas été facile pour Miller et sa bande après l'ouragan Doobie Brothers. Imaginez une ligne à l'attaque qui comprend trois guitaristes, un bassiste et un saxophoniste, appuyés derrière par non pas un mais deux batteurs. Quand ces gars-là se mettent à chanter ensemble comme des dieux par-dessus leur musique énergique, toute résistance est inutile. Le public de Wilfrid-Pelletier a mis un certain temps à se dégeler, mais le guitariste-chanteur Tom Johnston s'en est mêlé et tout ce beau monde s'est levé pour danser et chanter de vive voix Long Train Running, China Grove et Listen To The Music.

Les Doobies n'ont peur de rien. Ils ont même joué de façon convaincante Taking It to the Street que tout le monde croyait indissociable de la voix de Michael McDonald. Ils n'ont jamais été les chouchous des médias ni des gens de goût. Mais rares sont les groupes qui travaillent aussi fort sur scène. Le triomphe de ces négligés était pleinement mérité.

Un mot enfin sur Joan Armatrading qu'il faisait bon revoir au Théâtre Maisonneuve en début de soirée. Sa voix, tour à tour aérienne et puissante, en impose toujours autant et elle ne donne pas sa place comme guitariste. Si jamais quelqu'un a la bonne idée de la faire revenir, allez la voir. Vous ne serez pas déçus.