Nat King Cole est toujours, 45 ans après sa mort, la référence absolue en matière de classe et de «crooning». C'est à cette élégance et à ce talent hors du commun que le guitariste virtuose et chanteur George Benson rend hommage, jeudi, à la salle Wilfrid-Pelletier, avec son spectacle An Unforgettable Tribute To Nat King Cole. Entretien avec un homme qui n'oublie pas ce qu'il doit au maître des crooners.

«George!Geooooorge!» C'est sans doute la femme de Benson qui s'égosille ainsi à appeler son musicien de mari, qui a manifestement oublié qu'il avait une entrevue avec une journaliste de La Presse ce matin.

 

Il faut dire que l'artiste éclectique de 67 ans, l'un des tout premiers à avoir jeté des passerelles entre jazz, R&B et pop en 1976, vient de recevoir... une nouvelle tondeuse (qu'on entend vrombir au loin!) à sa maison de Scottsdale, en Arizona. Mais oubli ou pas, tondeuse ou non, Benson est un professionnel jusqu'au bout de ses ongles de guitariste illustre : une fois la porte fermée sur le bruit de la tondeuse, le voilà qui se met à parler avec passion de Nat King Cole.

Car c'est essentiellement pour rendre à Nat ce qu'il lui doit que George Benson chantera jeudi soir, à la salle Wilfrid-Pelletier: «En fait, je pourrais même dire que je souffre - avec plaisir - d'un syndrome Nat King Cole, tant je l'ai toujours à l'esprit, explique George Benson. C'était un homme, un pianiste et un chanteur apprécié de tous, un vrai gentleman, et j'ai toujours voulu être comme lui. Musicalement, mais aussi par l'attitude.»

«Car vous savez que bien des Américains adoraient écouter les disques de Nat King Cole à la maison, mais qu'ils n'auraient voulu sous aucun prétexte l'avoir pour voisin?» demande avec douceur Benson.

Avec ces quelques mots, le guitariste vient de résumer un pan de l'histoire des États-Unis: la ségrégation, le racisme au quotidien... «Et pourtant, Nat King Cole a tout simplement réagi avec grâce à tout cela, reprend Benson. Il a transcendé tout cela et mis la table pour la prochaine génération, en ne se battant pas, en n'étant pas en colère, juste élégant.»

Rappelons, pour le plaisir de la chose, que Cole s'était acheté, en 1948, une maison dans un beau quartier blanc de Los Angeles. Ses voisins, qui ne pouvaient l'en empêcher légalement, lui avaient donc fait parvenir une lettre précisant qu'ils ne voulaient pas de «personne indésirable» parmi eux. Cole leur répondit que, si jamais il apercevait une telle personne dans le voisinage, il les en aviserait tout de suite...

Un mentor

Benson, qui maîtrise toutes les particularités musicales de Cole sans pour autant chercher à l'imiter, n'a jamais vu le crooner en spectacle: «Mais j'ai encore un souvenir très vif de cette semaine de 1965 où il est mort (d'un cancer du poumon); tous les jours, nous avons prié, nous avons écouté les nouvelles en provenance de l'hôpital et, quand la nouvelle est tombée... Son héritage est immense, reprend-il après un silence, son oeuvre est bien écrite, bien faite, ses disques ne prennent pas une ride... et c'est toujours pour moi un grand mentor.»

George Benson interprétera donc, pendant les deux tiers de son spectacle de jeudi soir, le répertoire de l'inoubliable Nat. «Et après avoir fait du «classy jazz», nous ferons du «classy R&B»», ajoute-t-il en riant puisque l'autre tiers du spectacle sera un «Benson Party», pour reprendre ses mots - en d'autres termes, les grands succès de maître George lui-même, que ce soit The Masquerade, On Broadway, etc.

Jeudi, il sera accompagné par un orchestre de 30 musiciens locaux, sous la direction de son chef d'orchestre et arrangeur Randy Waldman («un pianiste extraordinaire», tient à préciser un Benson manifestement admiratif), qui a joué aussi bien avec Barbra Streisand qu'avec Michael Jackson, Diana Krall, Ray Charles, B.B. King et des dizaines d'autres.

Mais le temps passe, l'entrevue doit prendre fin et la tondeuse attend. Poliment, M. Benson m'informe donc qu'il doit me quitter, mais prend la peine, très gentiment, de lancer en français «Merci beaucoup et au revoir» avant de raccrocher. La classe, la grande classe: Nat King Cole serait fier de George Benson.

 

 

George Benson, en spectacle le 1er juillet, à 19h30, à la salle Wilfrid-Pelletier de la PdA.