(NEW YORK) Pour certains, Hillsong est l’Église où l’on va prier en escarpins Louboutin en espérant pouvoir frayer avec une vedette hollywoodienne. Les 3000 New-Yorkaises entassées dans un théâtre de Brooklyn parlent plutôt d’une belle communauté où les pasteurs comprennent leur réalité.

Par un vendredi soir pluvieux à Brooklyn, une file d’attente de trois pâtés de maisons s’étire devant le Kings Theatre, un ancien cinéma qui compte 3000 places. Des femmes, pour la plupart dans la vingtaine et la trentaine, sourient à pleines dents, même s’il s’agit sans l’ombre d’un doute de l’un de leurs pires bad hair days de l’année.

« Bienvenue à Colour, mesdemoiselles ! Vous êtes si belles et fantastiques », lance, avec le sourire lui aussi, un des membres de l’équipe de la conférence, complètement trempé.

Digne d’un spectacle pop

À l’intérieur de la jolie salle de spectacle, 3000 femmes s’entassent avec fébrilité. Nous assistons à une des conférences Colour, présentées chaque année un peu partout dans le monde, y compris à Kiev, Londres, Sydney, Los Angeles et Le Cap, en Afrique du Sud.

« Est-ce que la place à côté de toi est libre ? », nous demande une jeune femme dans la vingtaine, assise une rangée derrière nous. Après avoir reçu une réponse affirmative, elle enjambe le banc, Doc Martens aux pieds. « On ne peut jamais être assez près d’eux », ajoute-t-elle pour excuser son trop-plein d’enthousiasme.

Comme à pratiquement tous les événements de cette Église, c’est par la musique qu’on ouvre le bal. Et à voir le public et l’énergie dans le tapis, on pourrait croire que c’est une vedette de la pop qui s’apprête à fouler la scène.

La chanteuse principale a d’ailleurs des airs de Taylor Swift, en plus d’un nom similaire. Taya Smith est une grande blonde mince, à l’allure d’une « première de classe ».

Dès qu’elle arrive sur scène, entourée de plusieurs musiciens et chanteurs, tout le monde se lève et entonne en chœur les paroles. Mais vraiment toutes les paroles.

Avec les écrans géants, la mise en scène réglée comme du papier à musique et la dizaine de violonistes-danseuses (!), on comprend pourquoi l’Église Hillsong est réputée pour ses spectacles grandioses.

Ce soir-là, les spectatrices pleurent, prient, aiment. Et ce sera la même chose le lendemain.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE BOBBIE HOUSTON

Bobbie Houston, pasteur et cofondatrice de Hillsong Church

Une de nos voisines, chemise bleue ample et jeans skinny, n’a pas ouvert les yeux de tout le spectacle. Bras ouverts largement, elle se balance sur ses jambes en chantant, des larmes coulant sur ses joues.

« Changer le monde en mieux »

La douce et jeune Julie Smith, assise à nos côtés, va à la messe de l’Église Hillsong à New York chaque dimanche. C’est sa première conférence Colour et elle y est venue seule. Elle aussi pleure pendant les chansons, mais discrètement, les paumes tournées vers le ciel.

« Nous embarquons dans une voiture Fast and Furious pour 24 heures. Pour ceux qui sont ici pour la première fois, il ne faut pas s’inquiéter ni avoir peur : Jésus est déjà parmi nous », déclare Bobbie Houston, pasteur et cofondatrice de Hillsong Church.

L’hôtesse de l’événement est Bobbie Houston, cofondatrice de l’Église Hillsong avec son mari Brian. Elle a créé la division The Colour Sisterhood pour les femmes seulement. Le mouvement a pour ambition de « changer le monde en mieux », notamment en priant quotidiennement et en valorisant l’engagement dans la communauté.

Chaque année, des centaines de projets sont créés un peu partout dans le monde par des membres de The Colour Sisterhood. Une des réalisations dont Bobbie Houston est très fière est le Watoto Neighbourhood (village Watoto) en Ouganda, qui permet à des femmes abandonnées, victimes de violence ou de discrimination de trouver un refuge pour leurs enfants et elles.

Bobbie Houston maîtrise l’art de la communication. Elle s’adresse aux jeunes femmes en parlant leur langage : Instagram, lendemain de brosse, homosexualité, recherche de l’amour, fertilité, etc. Elle a un sens de la répartie aiguisé et termine un nombre astronomique de phrases par « Amen ». Oh, et elle a un fort accent australien qui fait bien rire les Américaines.

Elle cite la Bible en ajoutant : « Jésus-Christ. Ce n’est pas un beau nom, ça ? Oh oui, c’est un beau nom. »

Après avoir déploré le manque de communication typique de notre époque, la femme de 62 ans nous demande de nous présenter à nos voisines. Les femmes autour de nous le font de gaieté de cœur, avec respect et intérêt.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE BOBBIE HOUSTON

DawnCheré Wilkerson, pasteur de l’église VOUS à Miami

À quelques reprises, des employés passent des seaux pour recueillir des dons. Parce que, d’après la cofondatrice de Hillsong Church, le billet d’entrée pour la conférence (175 $US) ne couvre pas toutes les dépenses de cet événement.

D’après le rapport annuel 2017 de l’Église, 70 % de ses revenus proviennent d’ailleurs de dons.

Ne pas avoir honte d’être chrétien

Pendant le week-end, une dizaine de conférenciers prennent la parole, entre autres pour transmettre leur message « sois l’Église, ne va pas à l’église », qui peut se résumer par « chaque chrétien doit créer sa propre relation avec Dieu ».

Un autre sujet abordé à plusieurs reprises est l’importance d’être des ambassadeurs de Jésus.

Le Canadien Nathan Finochio, un sympathique pasteur à Hillsong New York, explique qu’il y a une certaine forme de stigmatisation des chrétiens, qui incite un grand nombre d’entre eux à ne pas parler de leur croyance.

« Pourtant, c’est comme un végane. Oui, sa vision du monde est différente, mais ça ne paraît pas nécessairement lorsque nous lui parlons. Nous n’avons pas à être gênés de le dire », dit celui qui est décrit comme le pasteur « hippie » de l’Église.

Être plus empathique et éviter de juger les autres sont aussi au cœur de leur message. « Il y a beaucoup de haine et de colère dans le monde. Nous pouvons protester par la paix », avance Bobbie Houston, très présente tout au long du week-end.

Des trucs pour y arriver ? Catherine Thambiratnam, de l’équipe Colour Sisterhood, suggère de lire beaucoup plus et de tout – des romans, des biographies et des essais d’auteurs de partout dans le monde –, ou encore de s’abonner aux réseaux sociaux de gens qui ne partagent pas nos valeurs ou nos opinions.

Le pasteur des vedettes

« Il ne faut pas juste entendre des gens qui partagent nos opinions », dit-elle lors d’un des ateliers, auquel participent aussi le pasteur « des stars », Carl Lentz, et sa femme Laura.

D’ailleurs, chaque fois que Carl Lentz, suivi par 628 000 personnes sur Instagram, monte sur scène, les cris sont stridents. Les New-Yorkaises l’aiment. Et il ne semble pas détester ça.

On le voit pleurer en racontant à quel point il fut un adolescent difficile pour sa mère. Et il déchire pratiquement son manteau de cuir lorsqu’il parle d’équité salariale.

Entre deux extraits de la Bible, les conférenciers utilisent leur sens de l’humour et leur « coolitude » à bon escient. « Je suis grand-mère, alors je peux te le dire : c’est étrange, ton look. C’est censé être cool, ça ? », dit Bobbie Houston à Carl Lentz, qui porte de larges lunettes et une casquette.

Son interlocuteur se moque à son tour gentiment d’elle : « Comme ça, Cardi B sera invitée à Colour l’an prochain ? »

« C’est qui, elle ? », répond avec sincérité la cofondatrice de Hillsong, devant une foule hilare.

Une fin digne d’un film

DawnCheré Wilkerson est le clou de la soirée. Avec son mari Rich Wilkerson Jr. (qui a d’ailleurs célébré le mariage de Kim Kardashian et Kanye West), elle est pasteur de l’église VOUS à Miami.

Avec une énergie hors du commun et une communication maîtrisée, elle raconte à quel point la vie est remplie de « saisons », dont certaines nous éloignent de Dieu. « Mais il est là, il va venir à vous. »

« Il y a quelqu’un d’autre dans le feu », ajoute-t-elle en référence à une chanson populaire de Hillsong United.

Un musicien la rejoint sur scène et commence tranquillement à jouer un air dramatique à la guitare.

Elle se met alors à raconter les difficultés qu’a éprouvées son couple à concevoir un enfant. Même les traitements de fertilité ne fonctionnaient pas.

Alors qu’elle était dans une « saison triste » et qu’elle se sentait de moins en moins près de Jésus, une femme lui a confié une intuition, lors d’une conférence Colour. « Bientôt, tu vas voyager autour du monde, une bible dans une main et un bébé dans l’autre. »

Sur scène, une femme s’avance avec un bébé et le donne à DawnCheré Wilkerson. C’est le sien. Les New-Yorkaises applaudissent à tout rompre.

Dans une main, la conférencière a son enfant et dans l’autre, elle tient sa bible : « N’oubliez pas, Dieu va venir vers vous, où que vous soyez. Il est là. »