C’est vendredi que s’est ouverte à Montréal l’exposition non autorisée sur Banksy avec une longue queue qui tournait le coin du boulevard Saint-Laurent et de la rue Ontario. Manque d’œuvres, de lumière et d’organisation : il y avait beaucoup de déception dans l’air.

À l’image du caractère imprévisible et anonyme de l’artiste, le lieu de l’exposition itinérante sur Banksy était tenu secret jusqu’à quelques jours avant l’évènement. Par courriel, le 2 septembre, les détenteurs de billets ont appris qu’ils devaient se rendre au 2023, boulevard Saint-Laurent dans un lieu de diffusion appelé ESC Montréal (dont nous ignorions l’existence).

Avant même d’avoir vu l’exposition – non autorisée par Banksy –, des gens qui faisaient la queue se plaignaient du temps d’attente, de la désorganisation et du personnel qui ne parlait pas français.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La file d’attente était longue pour l’expo.

C’est à midi que les portes devaient ouvrir. Or, ceux qui avaient des billets pour la première heure ont commencé à pouvoir entrer avec une trentaine de minutes de retard en raison d’un problème électrique.

À l’intérieur, c’était confus. Ceux qui avaient payé plus cher pour une formule VIP avaient droit à des écouteurs et à un audioguide. Des gens passaient près de tomber en franchissant de petites marches non éclairées.

Au moins, l’exposition appelée Banksyland avait bel et bien lieu. Certains craignaient que ce soit un faux évènement. Lors de la mise en vente des billets en juin dernier, les seules informations à la disposition du public étaient sur le site web de l’évènement.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE X

Beaucoup de gens ont aussi partagé leur mécontentement sur les réseaux sociaux, dont l’animatrice Geneviève Borne.

Enjeux éthiques

Banksyland, coproduite par Lumio Studio et One Thousand Ways, avait néanmoins été présentée dans quelques villes américaines où on avait soulevé les enjeux éthiques entourant la conception d’une exposition payante non autorisée sur un artiste qui refuse que son travail soit utilisé à des fins commerciales.

Or, ce paradoxe est au cœur de l’exposition qui remet en question la démarche de Banksy « qui a transformé le commentaire social en une marque mondiale », peut-on lire dans une vidéo dans la salle d’accueil de l’exposition. Si Banksy est « révolutionnaire » en restant dans l’ombre à l’ère des influenceurs, son « évasion persistante » relève-t-elle vraiment du « commentaire social » ou « du pur spectacle » ? Quand son œuvre autodétruite La fille au ballon a vu sa valeur augmentée lors de sa mise aux enchères, a-t-on assisté à une « marchandisation de la rébellion » ?

Ce questionnement est intéressant. En fait, les panneaux à lire dans Banksyland sont pratiquement plus intéressants et nombreux que les œuvres présentées. Il était difficile de distinguer quelles étaient les rares pièces originales. Un panneau de signalisation avec le célèbre rat qui tient une pancarte « Welcome to Hell » était derrière une vitre. Il y avait aussi des tableaux avec des images phares de Banksy, dont le Smiling Copper, Le lanceur de fleurs et Dismaland.

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La fille au ballon était de l’exposition Banksyland.

Un fait demeure : il ne semblait pas y avoir 80 œuvres, la quantité qui avait été promise.

À la sortie de l’exposition, pour laquelle nous avions par ailleurs payé notre billet, nombreux étaient les gens mécontents.

« L’éclairage était dégueulasse, l’organisation absente, il y a peu d’œuvres d’art et celles originales n’étaient pas indiquées, pestait Emmanuelle Beaulieu. L’ensemble est un échec. C’est une perte de temps et d’argent. » « Heureusement que la musique était bonne », a blagué son copain.

« Je suis déçue que le VIP n’ait rien eu à offrir de plus sauf l’audioguide et une affiche, et c’était trop sombre pour marcher de façon sécuritaire », a renchéri Pamela McEntee, qui avait payé 59 dollars pour son forfait.

Britt Reyes, vice-présidente aux opérations pour Lumio Studios, a convenu que l’ouverture de Banksyland à Montréal ne s’est pas déroulée comme prévu. Il y a eu une panne électrique et des employés engagés à distance ne se sont pas présentés, nous a-t-elle dit alors qu’elle distribuait des affiches à la sortie. Du matériel a aussi été coincé à la douane, a-t-elle ajouté.

Banksyland a déjà été présentée dans plus de 20 villes. Plus de 200 000 personnes l’ont vue, indique Britt Reyes, qui a voyagé partout dans le monde pour concevoir l’exposition itinérante.

Grâce à l’exposition, 200 000 personnes ont eu accès à Banksy, un artiste inaccessible, fait-elle valoir.

Quand on souligne le caractère ambitieux et controversé de l’exposition, Britt Reyes cite sa phrase préférée de l’artiste de Bristol : « L’art devrait réconforter les dérangés et déranger les confortables. »

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Une visiteuse passe à côté d’une œuvre.

En conclusion…

À la sortie de Banksyland, un homme déçu a lancé : « On le savait avant, mais on s’est fait avoir. »

Au fond, c’est peut-être la grande réussite de Banksyland : nous faire sentir ridicule d’avoir payé trop cher pour une exposition non autorisée d’un artiste anticapitaliste.

Quoi qu’il en soit, Banksyland est prolongée du 10 au 16 septembre et plusieurs jours affichent complet. Il pourrait même y avoir encore des supplémentaires.

Consultez le site de l’exposition