Le Musée d’art contemporain de Montréal frappe fort avec les sculptures et vidéos de Lili Reynaud-Dewar. Créant des œuvres complexes, théoriques et poétiques – nourries de littérature et de militantisme – la plasticienne française réputée s’intéresse à une pratique artistique transgressive et évolutive. Et ça fait du bien…

Le Musée d’art contemporain de Montréal a malheureusement perdu de son éclat depuis son déménagement dans des espaces temporaires plus petits à Place Ville Marie. Et son projet de transformation architecturale qui n’en finit pas… de ne pas débuter. « Le nouveau MAC devrait ouvrir ses portes à l’automne 2020 », écrivait-on le 14 mai 2016 ! Décourageant. Dans les circonstances, on ne peut que se réjouir que le conservateur Mark Lanctôt ait eu le flair (en 2018) d’inviter Lili Reynaud-Dewar à Montréal. Avant même qu’elle ne reçoive le prestigieux prix Marcel Duchamp en 2021. Chapeau !

PHOTO RODRIGO VÀZQUEZ GUERRERO, FOURNIE PAR LE MACM

Lili Reynaud-Dewar

Car Lili Reynaud-Dewar oxygène l’esprit. C’est un véritable phénomène, avec ses performances dansées nue, ses vidéos originales et fortes et ses engagements alternatifs. « On a commencé cette discussion avec Mark Lanctôt de venir exposer à Montréal alors que j’étais en résidence à Rome et que je commençais à travailler sur mon film sur Pasolini », dit l’artiste, fille du poète français Daniel Reynaud.

Ce film, Rome, 1er et 2 novembre 1975, qu’elle a mis plus de huit mois à produire, est projeté sur quatre écrans. « Le MAC devait en avoir la primeur n’eût été la pandémie, dit-elle. Finalement, je l’ai montré au Centre Pompidou, dans le cadre du prix Duchamp. »

La vidéo a été tournée avec des amis de Pasolini et la mère de la plasticienne, Mireille Rias, qui l’a éveillée au cinéma dans sa jeunesse. Il part de l’entrevue prophétique que Pier Paolo Pasolini a donnée le 1er novembre 1975, quelques heures avant sa mort, au journaliste Furio Colombo. Lili Reynaud-Dewar s’est inspirée aussi du film Pasolini (2014), d’Abel Ferrara, et du livre posthume de Pasolini, Pétrole, publié 17 ans après sa mort tragique. Rome, 1er et 2 novembre 1975 est ainsi une immersion dans une histoire sociale et politique qui est aussi un peu la nôtre quand on connaît, aujourd’hui, l’évolution du monde et les dégâts planétaires liés à notre consommation d’énergies fossiles.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Vue de l’installation de l’œuvre Rome, 1er et 2 novembre 1975

Car Lili Reynaud-Dewar ne se contente pas de revenir sur l’assassinat non totalement résolu de Pasolini. Elle entrelace aussi beaucoup d’éléments de réflexion dans sa vidéo, pour bousculer nos attentes et sortir des cadres narratifs habituels.

La lecture d’une œuvre peut changer. Là, en ce moment, des choses ne sont plus regardables, ne sont plus acceptables ou au contraire, prennent une pertinence différente.

Lili Reynaud-Dewar

Rome, 1er et 2 novembre 1975 (extrait), 2019-2021

Dans une salle adjacente est diffusée une trentaine de ses vidéos silencieuses qui ont fait sa renommée depuis 10 ans. Des vidéos où Lili Reynaud-Dewar, qui a suivi des cours de danse jusqu’à l’âge de 18 ans, danse au sein de divers environnements culturels, dans le plus simple appareil. Des chorégraphies muettes, agréables à regarder. L’artiste a un beau corps, bouge bien, avec souplesse. La performance a un côté ludique qui fait que ces œuvres ont une belle fraîcheur. On la voit même danser dans un champ où broutent des moutons !

« J’en avais un peu marre de ne montrer que des films tournés dans des musées, dit-elle. Marre aussi de la critique institutionnelle et du conceptuel. »

Mais les moutons avaient peur de moi, car j’étais en orange pour faire penser à un renard ! Ils n’ont pas vu un renard, juste une folle qui sautait dans les prés !

Lili Reynaud-Dewar

  • Lady to Fox, 2018, arrêt sur image de la vidéo

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Lady to Fox, 2018, arrêt sur image de la vidéo

  • Image d’une des vidéos de Lili Reynaud-Dewar

    PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

    Image d’une des vidéos de Lili Reynaud-Dewar

  • Diffusion au MAC temporaire d’une des vidéos de Lili Reynaud-Dewar

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Diffusion au MAC temporaire d’une des vidéos de Lili Reynaud-Dewar

  • Image d’une des vidéos de Lili Reynaud-Dewar

    PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

    Image d’une des vidéos de Lili Reynaud-Dewar

  • Image d’une des vidéos de Lili Reynaud-Dewar

    PHOTO FOURNIE PAR LE MAC

    Image d’une des vidéos de Lili Reynaud-Dewar

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Lili Reynaud-Dewar a profité de son passage à Montréal pour créer une nouvelle vidéo dans les locaux désertés du MAC. Un film de 32 min, I Want All of the Above to Be the Sun (MAC Montreal), petit frère d’une œuvre du même titre [en français : Je veux que tout ce qui précède soit le soleil], tournée au centre culturel Tabakalera de Donostia/San Sebastián, au Pays basque.

I Want All of the Above to Be the Sun (Tabakalera)

Lili Reynaud-Dewar expose aussi des sculptures qui font écho à ses vidéos, dans une volonté d’archiver ses créations et de créer des cycles qui sont comme des journaux intimes. Elle présente cinq sculptures en alu qui décrivent une citoyenne assise par terre, cellulaire en main. Elles découlent d’une sculpture qu’elle a réalisée pour la ville de Montpellier, en France. La citoyenne, c’est elle, qui a posé « pendant des heures » dans l’atelier d’une fonderie de Bulgarie dirigée par une femme. « Un travail collectif effectué en 2019, 2020 et 2022, dit-elle. J’ai adoré l’expérience, même si c’est long ! Et je vais continuer à créer ses sculptures… »

  • Les sculptures en aluminium de Lili Reynaud-Dewar

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Les sculptures en aluminium de Lili Reynaud-Dewar

  • La première sculpture de sa série, réalisée en 2019

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    La première sculpture de sa série, réalisée en 2019

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Lili Reynaud-Dewar, au Musée d’art contemporain de Montréal, jusqu’au 17 septembre

Consultez le site de l’exposition