Le Musée des beaux-arts de Montréal présente Par-delà les frontières, premier solo au Canada de Nalini Malani, une artiste multimédia de l’Inde dont les œuvres évoquent la violence, notamment celle faite aux femmes, et l’ampleur des inégalités sociales dans le monde. Une artiste réputée dont l’art est au service de son engagement social.

À 77 ans, Nalini Malani a conservé toute la force de son propos qu’elle ne cesse d’exprimer par des dessins et des vidéos depuis plus d’un demi-siècle. La conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), Mary-Dailey Desmarais, est allée la rencontrer à Bombay (Mumbai), la « porte de l’Inde ». Elle y a trouvé une artiste ayant des problèmes de santé, mais déterminée à poursuivre sa pratique multimédia engagée qui l’a fait connaître et exposer dans le monde entier.

Associant vidéo, dessin, peinture, animation et installation, Nalini Malani puise dans la littérature, l’actualité, l’histoire et la philosophie pour créer des œuvres appelées à nous faire prendre conscience des défis sociaux et politiques d’aujourd’hui, en Inde et ailleurs.

Née à Karachi en 1946, un an avant la partition de l’empire colonial britannique des Indes et la création du Pakistan, l’artiste – dont la famille avait alors trouvé refuge à Calcutta – a toujours été éveillée à la politique et à la défense des droits de la personne. Elle n’a jamais eu peur d’exprimer ses opinions dans une Inde où les artistes craignent souvent de parler trop fort, à cause d’une liberté médiatique et culturelle trop souvent menacée.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du MBAM et commissaire de l’exposition

Des œuvres inédites

Deux de ses trois œuvres exposées au MBAM sont inédites. C’est le cas de la version montréalaise de City of Desires – Crossing Boundaries [Ville de désirs – Par-delà les frontières], une œuvre performative qu’elle élabore un peu partout depuis 30 ans. Il s’agit, chaque fois, d’une œuvre murale unique, créée in situ, au fusain et crayon-feutre. Normalement, c’est elle qui la dessine, mais ne pouvant se déplacer, celle-ci a été produite par les illustratrices Iuliana Irimia et Cassandra Dickie, grâce à une collaboration avec MURAL.

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City of Desires – Crossing Boundaries [Ville de désirs – Par-delà les frontières], 1992-2023, Nalini Malani, performance de dessin mural et d’effacement. Dessin éphémère sur un mur du MBAM, au fusain et feutre.

L’œuvre murale évoque la beauté du monde, mais aussi la guerre, la violence faite aux femmes et notre responsabilité d’y mettre fin. « La petite fille symbolise notre capacité d’imaginer un monde meilleur », dit Mary-Dailey Desmarais.

  • Détail de City of Desires – Crossing Boundaries [Ville de désirs – Par-delà les frontières]

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Détail de City of Desires – Crossing Boundaries [Ville de désirs – Par-delà les frontières]

  • Détail de City of Desires – Crossing Boundaries

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Détail de City of Desires – Crossing Boundaries

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L’œuvre comprend aussi une performance de son effacement qui aura lieu à la fin de l’exposition. Nalini Malani choisira la manière d’effacer le dessin et donnera des indications au musée. Apparemment, c’est un évènement à ne pas manquer ! En 2018, au Centre Pompidou, l’œuvre avait été effacée par des roses rouges.

Voyez l’effacement de l’œuvre à Paris

Évènement traumatisant

Dans le Carré d’art contemporain du musée est projetée une animation faite de 88 dessins qu’elle a créés avec un doigt sur sa tablette numérique. Exposé en 2021 à Málaga, en Espagne, Can You Hear Me ? [M’entends-tu ?] est inspiré d’un horrible fait divers s’étant produit en Inde en 2018 – et qui avait traumatisé Nalini Malani –, soit le viol et le meurtre d’une fille de 8 ans dans un temple hindou par huit hommes. Une violence fréquente en Inde qu’elle a voulu traiter en élargissant le sujet aux injustices subies par les femmes sur la planète, mais aussi à d’autres victimes de discrimination, notamment les membres de castes inférieures en Inde.

  • Arrêt sur image de l’installation vidéo Can You Hear Me ?, de Nalini Malani

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Arrêt sur image de l’installation vidéo Can You Hear Me ?, de Nalini Malani

  • Arrêt sur image de l’installation vidéo Can You Hear Me ?

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    Arrêt sur image de l’installation vidéo Can You Hear Me ?

  • Arrêt sur image de Can You Hear Me ?

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    Arrêt sur image de Can You Hear Me ?

  • Arrêt sur image de Can You Hear Me ?

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    Arrêt sur image de Can You Hear Me ?

  • Arrêt sur image de Can You Hear Me ?

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    Arrêt sur image de Can You Hear Me ?

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L’œuvre de 22 minutes s’apprécie couché sur des coussins. En essayant de capter les phrases d’auteurs tels que Noam Chomsky, Marcel Proust ou George Orwell et les bouts de poésies d’Adrienne Rich, combinés aux images de visages effrayés et de personnages épuisés ou manipulés. La projection est à la fois relaxante et malaisante. Les sujets traités sont reliés à l’épouvante que l’artiste ressent en tant que citoyenne révoltée par les actualités de son pays et du monde. On détecte son découragement, ses espoirs, mais aussi son invitation à forger un monde meilleur.

  • Ballade d’une femme, 2023, Nalini Malani, vidéo projetée sur la façade du pavillon Michal et Renata Hornstein, animation image par image à canal unique, dessinée à la main sur iPad, sans son, 4 min 58 s (en boucle)

    PHOTO JEAN-FRANÇOIS BRIÈRE, FOURNIE PAR LE MBAM

    Ballade d’une femme, 2023, Nalini Malani, vidéo projetée sur la façade du pavillon Michal et Renata Hornstein, animation image par image à canal unique, dessinée à la main sur iPad, sans son, 4 min 58 s (en boucle)

  • Ballade d’une femme, 2023

    PHOTO JEAN-FRANÇOIS BRIÈRE, FOURNIE PAR LE MBAM

    Ballade d’une femme, 2023

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La troisième œuvre de Nalini Malani est à découvrir en fin de journée, à l’extérieur du musée. Il s’agit de la projection de sa nouvelle vidéo Ballade d’une femme, sur la façade du pavillon Hornstein. Une vidéo de cinq minutes qui raconte l’histoire d’une femme assassinée qui renaît pour effacer les traces physiques de sa mort, ce qui finit par épargner le meurtrier.

Une œuvre sur le pardon et le sacrifice éternel des femmes. Et une exposition forte, nécessaire et universelle.

Lisez une entrevue (en anglais) du magazine d’art Apollo avec Nalini Malani Consultez le site du musée

Par-delà les frontières, de Nalini Malani (Inde), au MBAM, jusqu’au 20 août