L’artiste montréalais Chih-Chien Wang présente, jusqu’au 6 novembre à la maison de la culture Janine-Sutto, Comme s’il n’y avait qu’une seule histoire. Une réflexion, à partir de photographies et de documents, autour de nos perceptions. Une expo pour les amateurs d’introspection, accompagnée d’un solo narratif de l’artiste berlinoise d’origine polonaise Aleksandra Cieślewicz.

Cette exposition est certainement la plus politique de Chih-Chien Wang, celle en tout cas où il nous pousse à réfléchir aux épreuves de notre époque. Invité à occuper le Studio 1 de la maison de la culture — un défi, compte tenu de sa forme tout en longueur —, l’artiste l’a transformé en salle de réflexion. Une réflexion stimulée par toutes sortes de citations inscrites sur ses œuvres ou placées sur un pupitre où il a empilé des feuilles blanches sur lesquelles sont rapportées des nouvelles de l’actualité qu’il a commentées.

L’espace évoque une salle de bibliothèque, un lieu d’études, de lecture, d’introspection. Les œuvres sont là pour nourrir l’esprit. Chacun y trouvera un sens et fera ses déductions. C’est en faisant le tour de la salle, en s’arrêtant pour lire les annotations de l’artiste, que se tisse un continuum de pensées qui finissent par nous habiter et nous faire faire des connexions.

La pandémie a changé notre façon de penser, nos façons de voir les choses. On a plus pensé à qui l’on est, à notre vie. Ça a conduit bien du monde à être frustré, sans parler de la guerre…

Chih-Chien Wang

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Vue de l’exposition Comme s’il n’y avait qu’une seule histoire

La photographie en noir et blanc d’un paysage, prise lors d’un de ses voyages, a été agrandie puis numérisée en quelque 800 morceaux, chaque morceau comprenant à sa base une phrase sur l’actualité ou des remarques de Chih-Chien Wang. Celui-ci a fourni la photo à un ami qui en a fait une aquarelle, en trois parties, exposée sur une des cimaises de la salle et dans laquelle il a « pixelisé » des détails. Une scène de campagne évanescente, presque abstraite, surnaturelle.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Sea of Arrival, photographies de Chih-Chien Wang provenant de reproductions en aquarelle d’une photographie qu’il a prise l’an dernier lors d’un séjour à l’étranger.

L’expo comprend des images de la Terre vue de l’univers accompagnées d’une cogitation sur les façons de considérer ce qu’est la vie, notre finitude, notre petitesse et en même temps notre puissance démesurée. Avec ce pouvoir qu’a l’être humain de mettre fin à son existence autant qu’avec sa capacité de propulser l’espèce dans le cosmos. En même temps, Chih-Chien Wang nous ramène les pieds sur terre avec des extraits sur le pouvoir créatif de la colère ou encore des allusions aux menaces pressantes de la Chine contre Taiwan, son pays d’origine.

PHOTO CHIH-CHIEN WANG, FOURNIE PAR L’ARTISTE

Une des photographies de l’exposition, montrant la dégénérescence d’un concombre privé d’oxygène

Voilà une exposition à propos, en ces temps troublés. Mais la personne qui la visite ne peut réellement en profiter qu’en prenant le temps de tout lire. Et il y a du stock ! Chih-Chien Wang invite à prendre une pause. C’est bienvenu.

Aleksandra Cieślewicz

En parallèle, l’artiste a été le commissaire de l’expo Avant que tout ne disparaisse, présentée en trois volets au Studio 2. L’idée était de proposer à des étudiants de créer en essayant de comprendre la « construction de la connaissance, l’impact de la narration et la perception de la réalité ». Le troisième volet est un déploiement d’une artiste berlinoise, Aleksandra Cieślewicz, que Chih-Chien Wang a rencontrée dans la capitale allemande et invitée à exposer à Montréal.

PHOTO CHIH-CHIEN WANG, FOURNIE PAR L’ARTISTE

L’artiste berlinoise d’origine polonaise Aleksandra Cieślewicz

L’artiste d’origine polonaise ayant beaucoup à dire, elle a fractionné son solo en quatre, ajoutant à sa réalisation celles d’Asa Lee, Sara Lewi et Lena Seiz… qui ne sont que des alias d’elle-même ! Sa présentation complète idéalement le corpus de Chih-Chien Wang, mais prendra presque autant de temps à visiter si on veut tout regarder et tout lire !

« Sara Lewi » présente un agenda de 1962 annoté par une Française, puis réutilisé en 1985 par un Polonais et enfin par « Sara Lewi » récemment. L’œuvre en 25 photographies de pages de l’agenda nous entraîne dans une narration où l’on croise notamment Leonard Cohen, venu en 1985 présenter un concert en Pologne et rencontrer des membres de Solidarność.

Mais l’histoire la plus captivante est sans doute celle d’un document, comprenant la photo d’une supernova, qu’« Asa Lee » a trouvée en 2019 dans un marché aux puces et qui était signée. Après trois ans de recherches, elle a retrouvé la trace de l’auteure du document. Au moyen de cyanotypes réalisés à partir dudit document et d’autres archives reliées aux supernovae, l’artiste de 30 ans raconte cette quête qui lui a permis notamment d’en apprendre pas mal sur les phénomènes astronomiques. Et nous de découvrir une artiste qui expose pour la première fois au Canada et qui raffole de cette branche narrative de l’art visuel qui a visiblement fructifié à foison à la maison de la culture Janine-Sutto…

  • Vue de l’« agenda » de Sara Lewi

    PHOTO CHIH-CHIEN WANG, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Vue de l’« agenda » de Sara Lewi

  • Les cyanotypes de Asa Lee et projection vidéo de Lena Seiz

    PHOTO CHIH-CHIEN WANG, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Les cyanotypes de Asa Lee et projection vidéo de Lena Seiz

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