La pandémie perturbe les lieux d’art québécois. Mais les collectionneurs Pierre et Anne-Marie Trahan, fondateurs du centre montréalais d’art contemporain l’Arsenal, actuellement fermé, peuvent à tout le moins poursuivre leurs activités hors Québec pour donner une visibilité accrue aux artistes canadiens et internationaux.

Maudite COVID-19 ! Si les espaces d’Arsenal à Toronto et New York fonctionnent normalement, à Griffintown, le centre d’art contemporain est fermé depuis le début de la deuxième vague de la pandémie. « On a dû revoir notre calendrier, dit Anaïs Castro, commissaire et directrice à Arsenal. Bien des expositions ne peuvent avoir lieu comme prévu. On espère qu’en 2021, on pourra reprendre des activités normales. »

Pierre Trahan est d’ailleurs monté au créneau récemment pour se plaindre de la fermeture des musées, des centres d’arts (dont le sien) et des autres lieux de culture par le gouvernement du Québec

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Heureusement, les activités new-yorkaises et torontoises d’Arsenal sont foisonnantes.

À New York, Arsenal devait présenter une exposition d’œuvres de la Montréalaise Janet Werner cet automne, mais elle a été remplacée par une expo collective, moins risquée qu’un solo en cas de fermeture subite de l’espace. Arsenal NY présente en ce moment, et jusqu’à la fin novembre, la troisième partie de l’expo This Sacred Vessel, sur la nature morte, le temps qui passe, le côté éphémère de la vie. Une exposition qui fonctionne bien, selon Anaïs Castro.

PHOTO GREG CARIDEO, FOURNIE PAR ARSENAL

Vue d’une œuvre de l’artiste Peter Dreher, à Arsenal NY, dans le cadre de l’exposition This Sacred Vessel (part 3).

Depuis l’ouverture de leur local new-yorkais en 2017, Pierre et Anne-Marie Trahan y ont exposé de belles pointures : Suzy Lake, Wanda Koop, Nicolas Baier, Tammi Campbell, Marion Wagschal, Kim Dorland ou encore Janet Werner, représentée par la galeriste new-yorkaise Anat Ebgi. La seconde partie de This Sacred Vessel comprenait des artistes tels que Walter Scott, Eliza Griffiths, Nadia Waheed ou Bambou Gili.

PHOTO FOURNIE PAR ARSENAL

Ophelia in the Tub, 2019, une huile sur lin de l’artiste new-yorkaise Bambou Gili qu’Arsenal NY a exposée l’été dernier.

« Nos expositions à New York donnent de bons résultats, dit Pierre Trahan. Janet Werner a vendu 14 œuvres à des collectionneurs lors de la dernière foire Armory. Suzy Lake, on l’a placée au Guggenheim. On a aussi permis à Wanda Koop de faire un solo au Musée de Dallas. Les musées commencent à nous visiter et on travaille avec d’autres galeries. Mais ça prend du temps pour établir un climat de confiance. »

Arsenal a d’ailleurs répondu positivement à la foire NADA Miami, qui, au lieu de présenter sa 18édition en Floride cette année, a invité des galeries à accueillir des expos dans leurs espaces. Arsenal NY devrait donc, dans ce cadre, exposer en décembre les œuvres du Californien Greg Ito, de la peintre montréalaise Karine Fréchette et de l’artiste canadien Simon Hughes.

On essaie d’introduire sur le marché américain des artistes canadiens qui sont peu ou sous-représentés à l’étranger. En les jumelant avec des artistes locaux pour élargir le public.

Anaïs Castro, commissaire et directrice à Arsenal

Tel que l’Albertain Kim Dorland avec Robert Navas, un artiste de Brooklyn.

C’est d’ailleurs pour pousser plus loin cette stratégie que le couple Trahan a engagé, en janvier dernier, Anaïs Castro qui a fait les beaux jours de la galerie Art mûr à Montréal, mais aussi à Berlin où elle faisait la promotion de l’art canadien.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Anne-Marie Trahan et Pierre Trahan, propriétaires de l’Arsenal

« Depuis deux ans qu’on a ouvert à New York, on a constaté que ce n’est pas facile de diffuser un artiste canadien aux États-Unis quand il n’y est pas collectionné, dit Anne-Marie Trahan. Même s’il vend ses œuvres 50 000 $ au Canada. Les Américains achètent si l’artiste est connu et que c’est un bon investissement. »

Toronto

Parallèlement, Pierre et Anne-Marie Trahan ont restructuré Arsenal Toronto, ouvert en 2013, en lançant l’été dernier le Toronto Contemporary Syndicate (TCS) à la même adresse qu’Arsenal Toronto, à 10 minutes à pied du Musée d’art contemporain de Toronto. Le TCS s’est doté d’un espace-projet pour des artistes représentés par des galeries canadiennes tandis qu’Arsenal Toronto continue de donner une vitrine aux poulains de l’écurie Trahan.

« Le concept de TCS a été inspiré du centre d’art contemporain Le Consortium, à Dijon, en France, mais il fonctionne le plus souvent de façon commerciale », dit Anaïs Castro.

En travaillant avec des galeries nord-américaines, le TCS [Toronto Contemporary Syndicate] permet de montrer des artistes canadiens de partout et des artistes importants des États-Unis.

Pierre Trahan, cofondateur d'Arsenal

« Pour leur donner une fenêtre à Toronto. On travaille maintenant avec notre ami galeriste René Blouin qui a beaucoup de contacts et d’expérience et qui agit en collaboration avec Anaïs qui conçoit aussi des expositions », ajoute Pierre Trahan.

Depuis la réouverture des lieux d’art torontois, à la mi-juin, TCS a présenté Dynamical Systems, une expo d’œuvres du Québécois François Lacasse, et It Takes Time To See, des œuvres de Geneviève Cadieux, Pascal Grandmaison et Mathieu Grenier.

PHOTO FOURNIE PAR ARSENAL

Grande échappée IX, 2019, François Lacasse, acrylique et encre sur toile, 72 po x 52 po.

Cet automne, TCS a exposé Francine Savard et Matthew Feyld tandis qu’Arsenal Toronto proposait Crawling out of a hidden place avec neuf jeunes artistes tels que Miles Greenberg, Maya Fuhr ou Ghazaleh Avarzamani. « Actuellement, on accueille Art Toronto dans nos murs, dit Anaïs Castro. Avec des artistes de la galerie Blouin-Division et des artistes de la galerie torontoise Georgia Scherman. »

PHOTO FOURNIE PAR ARSENAL

Tentaculum™ (Dental Dam) Fixation Pro Vital Series, 2018, Catherine Telford-Keogh, image vinyle montée sur Plexiglas, 47 po x 47 po. Exposition Crawling out of a hidden place (9 septembre-17 octobre) à Arsenal Toronto.

La pandémie est aussi l’occasion pour Arsenal de faire le point et de s’ajuster. « C’est une bonne période pour réfléchir, notamment en ce qui a trait à la diversité des artistes qu’on présente, dit Anaïs Castro. Il y a donc quand même des bons côtés. Et on veut être prêts à présenter quelque chose d’intéressant quand Arsenal Montréal rouvrira. »