Le collectionneur montréalais Jack Lazare possède une des plus nourrissantes collections de photographies au Québec. Des images d'illustres artistes d'ici et d'ailleurs que le Musée des beaux-arts de Montréal a choisi d'honorer dans une orchestration du plus bel effet...

Jusqu'à 1999, le collectionneur Jack Lazare et sa femme Harriet achetaient des oeuvres d'art figuratives. Picasso, Jean Paul Lemieux, Christopher Pratt... Pendant des décennies, le couple a acquis des toiles d'artistes canadiens et étrangers, parfois aidés dans leur choix par la galeriste torontoise Mira Godard. 

Et puis en 1999, Jack Lazare a découvert les épreuves à l'albumine de la photographe britannique Julia Margaret Cameron (1815-1879), lors d'une visite au Museum of Modern Art (MoMA) de New York.

L'homme d'affaires, qui a fait carrière dans l'industrie du voyage et de la musique, a alors commencé à se passionner pour la photographie. Une passion qui s'est transformée en obsession.

«C'est le terme qu'emploie ma femme et elle a raison!», dit Jack Lazare en riant, lors d'une entrevue au MBAM. Le collectionneur a alimenté sa passion au contact d'experts qui ont guidé ses premiers pas, notamment Julian Cox quand le conservateur en chef du AGO de Toronto était responsable de la photographie au musée J. Paul Getty de Los Angeles. 

Photo contemporaine

Jack Lazare s'est alors mis à se documenter et à fréquenter les galeries, les ventes aux enchères et les foires. Après son engouement pour Julia Margaret Cameron, il s'est laissé charmer par la photo contemporaine. Il est tombé sous le charme d'une impression de Pascal Grandmaison, Verre 4, alors qu'il arrivait au stand de René Blouin, lors d'une édition du Toronto Art Fair. 

«Quand j'ai vu la photographie de Pascal Grandmaison, je ne pouvais faire autrement que de l'acheter.»

Il a eu le même coup de coeur en découvrant les images fortes de l'Américaine Dorothea Lange, réputée pour son photojournalisme efficace dans les années 30. Cet intérêt l'a conduit à apprécier les photographies portant sur des sujets de société.

Il a eu ainsi un vrai coup de foudre pour les mises en scène léchées des Montréalais Carlos et Jason Sanchez et pour les paysages industriels d'Ed Burtynsky. Et il est devenu friand du regard sensible de Shirin Neshat, Paul Strand, Shimon Attie ou encore Gordon Parks et sa Fontenelle Family, la photo touchante d'une famille noire de Harlem devenue l'expression de la pauvreté urbaine aux États-Unis en 1967. 

120 photographies 

Actuellement, la collection Lazare est constituée de 120 photographies disséminées entre le domicile familial, les résidences des enfants du couple et le bureau professionnel de Jack Lazare. Une centaine de ces photos sont exposées, depuis hier, dans le Carré contemporain du MBAM, notamment les 33 images qu'il a offertes au Musée l'an dernier. 

«Toutes ces photos n'ont jamais été aussi bien mises en évidence et elles n'ont jamais aussi bien respiré que dans cet espace», dit Jack Lazare, flatté que Nathalie Bondil, la directrice du Musée, ait eu l'idée de dévoiler sa collection au public. 

Le collectionneur dit apprécier énormément la scénographie soignée de Sandra Gagné pour cette expo intitulée États d'âmes, esprit des lieux. Il faut dire que l'accrochage inspiré et non linéaire de la commissaire Diane Charbonneau, la conservatrice des arts décoratifs et de la photographie au MBAM, a effectivement donné un supplément d'âme à l'assortiment du collectionneur. 

Déploiement par thèmes 

Les photographies ont été disposées sur les murs par séries, en instaurant des fils conducteurs: les portraits, les paysages, la quinzaine de tirages sur papier albuminé de Julia Margaret Cameron, les clichés qui illustrent des déplacements, les histoires racontées ou encore les photos reliées à la gestuelle du corps. 

Diane Charbonneau a constaté que dans la collection Lazare, un grand nombre de photos sont reliées au corps. Comme celle de Thomas Struth, Anci and Harry Guy, Groby, Leicestershire (England), où les mains d'un vieux couple saisissent notre regard. 

«Du coup, c'est devenu une série, dit Diane Charbonneau. En plaçant toutes les photos de gestuelle du corps ensemble, cela donne un sens à ces images qui élaborent un dialogue entre elles.»

La force de cette collection Lazare est sans doute la puissance expressive des photographies. Riches d'évocation, elles sont toujours instructives. Elles frappent au premier regard et requièrent du visiteur ce temps d'arrêt magique qui permet de saisir les nuances et les messages qu'elles contiennent. Des instantanés de la vie qui, parfois avec émotion, en suggèrent sa fragilité, sa variété et sa complexité. 

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États d'âmes, esprit des lieux: photographies de la collection Lazare, au Musée des beaux-arts de Montréal (1380, rue Sherbrooke Ouest, Montréal), jusqu'au 28 avril 2019.