Pour le 50e anniversaire de Laval, la Maison des arts de Laval propose une large programmation artistique autour du thème de la banlieue. Une banlieue qui s'assume et qui se célèbre aussi bien en musique qu'avec une imposante exposition d'arts visuels intitulée Banlieue! ordre et désordre. Laval, comme Oakville ou Brooklyn, n'est pas qu'une cité proprette étouffée par sa métropole voisine. Tour d'horizon d'une expo qui parle de la réalité banlieusarde avec humour et lucidité, et qui fait fi des clichés

Banlieue! ordre et désordre est une initiative de la muséologue Jasmine Colizza, responsable des expos d'arts visuels à la salle Alfred-Pellan de la Maison des arts de Laval depuis six ans. Mais aussi Lavalloise et tannée d'entendre les gens lui dire que ce n'est pas pratique de se rendre à Laval pour aller voir des oeuvres d'art!

«Je voulais faire cette expo depuis longtemps et il est vrai que ça part d'une petite frustration, dit-elle. J'avais envie qu'on arrête de s'excuser de venir de la banlieue. Ça vient donc d'un souci d'affirmation, et le 50e anniversaire de Laval a permis de réaliser cette expo.»

Jasmine Colizza s'est associée à la commissaire littéraire Catherine Cormier Larose pour rassembler des oeuvres de 16 artistes canadiens et américains ravis de montrer le caractère de leur banlieue et des textes de huit auteurs québécois et canadiens qui se sont penchés sur le thème de la banlieue.

Identité banlieusarde

Les plasticiens présentent des créations qui, pour les uns, évoquent le territoire, tandis que les autres parlent d'amour des lieux ou d'histoire. Il ressort des oeuvres une réelle filiation à la vie en banlieue.

C'est le cas de Vider le nid, installation de Labspace Studio (les Ontariens John Loerchner et Laura Mendes) qui comprend toutes sortes d'objets dont a souhaité se départir un couple de Lavallois après le départ de ses enfants. L'oeuvre est un amas désordonné d'objets tels qu'une télé, des vidéocassettes, un ordinateur, des skis de fond ou un vélo stationnaire.

«C'est pour ça que l'expo s'appelle Banlieue! ordre et désordre. La banlieue aspire à un ordre très contrôlé - ce qui est noble -, mais c'est impossible. Le désordre est toujours présent, souligne Jasmine Colizza. C'est cette noblesse-là qu'on veut exprimer dans cette expo, même si on sait qu'il y a plein de problèmes dans la banlieue. Il reste que la volonté de base est de trouver un certain ordre.»

De son côté, Laurent Lévesque a repris son thème Daylight développé pour le centre Verticale l'an dernier et présente Daylight 2014: instants 1-25 avec 25 diapos installées sur un socle lumineux. Un travail sur la lumière et ses effets sur notre environnement.

Digby Road à Oakville

OEuvre centrale dans l'expo, 138, Digby Road est une réalisation d'Anna Jane McIntyre, artiste ontarienne qui a élaboré une maquette en bois et de multiples petits objets pour recréer l'intérieur de sa maison d'enfance à Oakville. Elle raconte ses jeunes années en banlieue dans le catalogue de l'expo, une publication qui permet d'ailleurs de mieux comprendre toute la profondeur de ces expressions artistiques sur la banlieue.

L'installation vidéo et sonore To Believe, d'Emmanuel Lagrange Paquet, évoque l'univers de Superman avec des vues aériennes de banlieues nord-américaines et la cape du héros en suspension au-dessus de la projection vidéo.

On a bien aimé Sans titre/On the Upper Arm, une installation très parlante d'Andrée-Anne Carrier sur le thème de la sécurité, avec des flotteurs pour enfants... en plâtre et une clôture Frost ratatinée qui ne joue plus son rôle protecteur.

Explorant la dimension géographique des âmes, Emmanuelle Jacques a créé avec des tampons encrés une immense oeuvre murale, Trajectoires, près de l'entrée de la Maison des arts. Il s'agit d'une reproduction de l'île Jésus. Près des berges et des axes routiers, l'artiste a cartographié avec des symboles des événements ou endroits marquants de la vie de Lavallois qu'elle a rencontrés.

Bungalow désintégré

OEuvre efficace également que Breakdown, de Gwenaël Bélanger, vidéo de 4 minutes 54 secondes montrant un bungalow modélisé en suspension dans les airs, au-dessus d'une banlieue, et qui se désintègre morceau par morceau.

Originale aussi, Vert Voisin IV de Stéphanie Beaulieu, installation constituée de carrés de vraies pelouses de ses voisins lavallois. Pissenlits compris!

On retrouve non loin l'énorme Pissenlit en bois - et à l'ombre humaine! - qu'Éric Lamontagne a exposé en 2011 au même endroit, lors de son expo Du haut de mon sous-sol. Et une de ses oeuvres parodiques, La belle époque, une peinture signée «Pierre Laroche». Un jeu de clins d'oeil à l'art contemporain - avec sa toile faussement classique peinte sur un grand cadre blanc - et à Cornelius Krieghoff, la peinture rappelant le style du paysagiste canadien. Mais les maisons en bois sont en rangée et toutes précédées d'un abri Tempo!

Le Musée d'art contemporain de Montréal a prêté Rue de banlieue, oeuvre en bois créée par Michel Saulnier en 1982. Et les collectionneurs Anne-Marie et Pierre Trahan ont confié une toile impressionnante de Kim Dorland, symbolique de la banlieue, Teenager With Skateboard.

Près des oeuvres, Catherine Cormier Larose a inséré des extraits de textes de huit auteurs marqués par la banlieue.

Le catalogue de l'exposition compile ces textes inédits, dont une nouvelle de Simon Boulerice sur l'imaginaire d'un enfant de 9 ans et un texte de Stéphane Larue sur son enfance à Longueuil.

Cette exposition est un beau croisement de textes et d'oeuvres d'art racontant la banlieue de façon exhaustive, sans prétention et avec un réel sentiment d'émancipation. Sur mon cahier d'écolier, j'écris ton nom: banlieue!

À la Maison des arts de Laval (1395, boulevard de la Concorde Ouest) jusqu'au 30 août, du mardi au dimanche, de 13h à 17h, ainsi que les soirs de spectacles. Demain, à 17h, visite commentée avec les commissaires.

PHOTO FOURNIE PAR LA MAISON DES ARTS DE LAVAL

Sans titre/On the Upper Arm, d'Andrée-Anne Carrier, installation faite de flotteurs pour enfants et d'une clôture Frost ratatinée.