Gagnants d'un concours de mise en lumière hivernale, lancé en 2012 par la Société de développement de l'avenue du Mont-Royal, Estelle Jugant et Yazid Belkhir ont réalisé avec l'aide de deux artistes des bulles de dialogue lumineuses de type BD, qu'ils ont placées sur des lampadaires de l'artère. Un art public qui fait jaser jusqu'en Europe.

La Société de développement de l'avenue du Mont-Royal souhaitait implanter sur l'artère commerciale une animation lumineuse illustrant le caractère nordique et urbain de Montréal. Une fois choisis, Estelle Jugant et Yazid Belkhir ont créé trois types de bulles lumineuses (faisant penser aux phylactères des bandes dessinées), qu'ils ont placées à différentes hauteurs sur les lampadaires de l'artère commerciale. Une sorte de panorama des idées exprimé par idéogrammes, intitulé Idée-O-Rama.

«On voulait exprimer le fait qu'il y avait une animation et un dialogue sur cette avenue», dit Estelle Jugant. «Il s'agissait de rendre l'avenue dynamique en hiver selon le principe des guirlandes et des boules de Noël que l'on a détournées afin de toucher un maximum de gens, autant les petits que les grands», ajoute Yazid Belkhir, le responsable technique du duo.

Les deux artistes, qui vivent à Montréal depuis 2007, ont fait une étude de conception du produit en collaboration avec un ingénieur. Il fallait tenir compte de la taille des bulles, de leur résistance au vent, au gel-dégel et aux vibrations, et de leur sécurité. Fixées aux lampadaires, les bulles de 10 kg éclairées chacune par 300 diodes de 12 volts ont été montées en aluminium, en acier et en plastique.

Pictogrammes élaborés

Une fois les formes créées, les artistes Astro et Jean-François Poliquin ont été sélectionnés pour illustrer les 75 bulles installées. Quand on se promène sur la «Main» du Plateau, on peut ainsi découvrir le style d'Astro en regardant les bulles en direction est et celles de Jean-François Poliquin quand on regarde vers l'ouest. Chaque bulle est illustrée sur deux faces de deux façons différentes.

Astro venant du monde du «street art», son illustration est plus inspirée des graffiti et de la BD tandis que Jean-François Poliquin, graphiste à La Presse, a un style plus schématisé de design graphique avec l'usage de pictogrammes élaborés.

«La demande était de créer juste du visuel qui collerait à l'hiver montréalais, dit Jean-François Poliquin. On a donc écarté tout ce qui est cabane à sucre ou juste symbolique du temps des Fêtes. Avec Astro, on a juste un ou deux éléments sur Noël, mais le reste, c'est l'hiver en général.»

Ainsi, sur les illustrations de Poliquin, on retrouve les escaliers courbés montréalais, la petite chenillette sur le trottoir, les glisses, les visages des enfants, les sports d'hiver, les tas de neige, la glace, etc. Pour Astro, il y a des personnages inspirés de son univers et adaptés à l'hiver montréalais dans le style graffiti ou BD.

Peut-être trop petites, les bulles placées à différentes hauteurs sont un peu noyées dans la profusion de lumières de tous types que l'on trouve sur l'avenue.

«On nous a déjà dit qu'elles étaient trop hautes, dit Estelle Jugant. On n'a pas pu en mettre aux intersections sinon des automobilistes auraient pu les confondre avec les feux de circulation. Du coup, on a mis deux bulles sur certains lampadaires et elles ont été placées plus haut.»

L'installation - qui s'achèvera à la fin du mois - reviendra l'an prochain avec deux nouveaux illustrateurs. Idée-O-Rama connaît un beau succès populaire et médiatique. «On n'a eu que de bons retours, dit Estelle Jugant. Sur The Atlantic Cities, quelqu'un disait : «Oh, on aimerait tellement avoir ça à Toronto».»

«C'est vrai qu'on a eu une grosse médiatisation autour d'Idée-O-Rama, autant franco qu'anglo, ajoute Yazid Belkhir. Même au-delà des océans, en Angleterre, en France et aussi aux États-Unis avec The Verge, les blogues et les sites d'information spécialisés ont parlé de nous. C'est vrai que c'est une activité qui donne du dynamisme à la ville.»

Cette expérience d'art public leur donne envie de récidiver. «C'est clair qu'on va démarcher d'autres arrondissements, car Idée-O-Rama, c'est comme une galerie à aire ouverte, une vitrine pour montrer ce qu'on sait faire», dit Yazid Belkhir.

Sur l'avenue du Mont-Royal, bulles de BD sur lampadaires, entre la rue D'Iberville et le boulevard Saint-Laurent.

Qui sont-ils?

Estelle Jugant, 32 ans, et Yazid Belkhir, 31 ans

Cofondateurs de la firme Turn Me On Design, ces deux Montréalais d'origine française sont passionnés par l'objet et l'univers de la mise en lumière. Ils ont conçu une collection de luminaires avant de créer Idée-O-Rama.

www.turnmeondesign.com

Astro, 36 ans

Graffiteur montréalais, il a transposé l'énergie des murs colorés sur la toile et inventé un mélange à mi-chemin entre graffiti, BD et graphisme. Il travaille comme illustrateur et graphiste dans l'édition et les communications.

www.misterastro.com

Jean-François Poliquin, 31 ans

Designer, il jumelle depuis une dizaine d'années les talents d'artiste et de stratège graphique. Amoureux invétéré de la couleur jaune, il travaille comme graphiste à La Presse depuis bientôt un an.

www.jaimelejaune.com