Faux, attributions erronées ou altérations: la National Gallery de Londres présente sans honte à partir de mercredi des oeuvres ayant trompé ses propres experts, jusqu'à l'avènement de progrès scientifiques qui ont permis de rétablir la vérité ou de découvrir des trésors.

«Il s'agit d'observer au plus près les tableaux en tant qu'objets physiques», a expliqué à l'AFP Betsy Wieseman, l'un des commissaires de l'exposition «À la loupe: faux, erreurs et découvertes», qui se déroule jusqu'au 12 septembre.

Et plus précisément «les relations entre la recherche scientifique et la recherche artistique», a-t-elle relevé.

Le prestigieux musée a puisé dans sa collection de plus de 2 000 tableaux une quarantaine d'oeuvres pour illustrer les défis auxquels sont confrontés les plus grands experts depuis des siècles dans le processus d'authentification des toiles.

Grâce aux techniques modernes (infrarouge, radiographie, microscopie électronique, spectrométrie de masse), le département scientifique de la National Gallery est parvenu depuis sa création en 1934 à lever le voile sur certains mystères, révélant de bonnes et de moins bonnes surprises.

Côté mauvaise nouvelle, le musée présente «Portrait de groupe», une peinture sur bois achetée en 1923 comme une oeuvre du XVe siècle. Mais elle comportait des pigments utilisés à partir du XIXe, un vernis à la gomme-laque pour simuler la patine et des détails anachroniques.

«Rien dans ce tableau n'est cohérent avec une oeuvre du XVe siècle», a relevé Ashok Roy, directeur du département scientifique, indiquant que ce faux avait été réalisé au XXe siècle.

La tâche des scientifiques est plus ardue en cas d'oeuvres réalisées dans les ateliers où plusieurs artistes pouvaient intervenir sur un même tableau, ou faire des copies de Grands maîtres, a noté Mme Wieseman.

En juin 1874, le musée acquiert deux Botticelli: «Mars et Venus» et «Une allégorie», considérée à l'époque comme le meilleur des deux et payée plus cher. Or, ce dernier s'est avéré être un pastiche réalisé par un disciple du grand maître italien.

«On n'arrivera jamais à comprendre comment il a pu être confondu avec un Botticelli», a souligné Betsy Wiseman.

L'exposition présente également des oeuvres qui ont été volontairement modifiées pour des raisons commerciales («Le Portrait d'Alexander Mornauer») ou pour des raisons morales («Femme à la fenêtre»).

Le premier, réalisé vers 1464-88 par un artiste inconnu, a été transformé au XVIIIe siècle pour l'attribuer à Hans Holbein, dont les oeuvres étaient très recherchées. Pour cela, le fond a été peint en bleu et le chapeau du modèle a été modifié, des détails qui sont apparus aux rayons X et confirmés par une analyse des différentes couches.

«On l'a acheté en sachant que ce n'était pas un Holbein, et on peut dire qu'il a désormais davantage de valeur car il s'agit d'un rare exemple de portrait allemand du XVe siècle», a déclaré M. Roy.

Pour «Femme à la fenêtre» réalisé à la Renaissance, les altérations datent de l'époque victorienne, plus prude: le décolleté a été atténué, l'expression est plus innocente et sa chevelure blonde est devenue brune.