Le couturier Halston (Ewan McGregor) s’allume une longue cigarette blanche dans presque chacune des scènes de la minisérie homonyme que Netflix lui consacre. Au lever, au coucher, au travail, au repos et dans les loisirs, l’extravagant Halston grille des clopes comme des saucisses sur le barbecue de Steven Raichlen : à la chaîne.

Autour du designer américain, ça boucane tout autant, entre une ligne de cocaïne et une lampée de champagne Krug. Au point qu’en regardant les cinq épisodes d’une heure de Halston, offerts en français et en anglais, ça sent quasiment la fumée à travers notre écran.

De nombreux téléspectateurs déplorent cette « glorification » de la consommation de tabac à la télévision. C’est nocif et dangereux comme habitude, martèlent-ils avec raison. On le sait, fumer tue. Et les images de gencives pourries ou de langues cancéreuses imprimées sur les paquets le rappellent efficacement aux accros à la nicotine.

Mais pour des téléséries d’époque comme Halston, que voulez-vous, c’était l’époque, malheureusement, avec les mœurs de l’époque. On ne peut tout de même pas réécrire l’histoire ou la javelliser pour sensibiliser les téléspectateurs de 2021.

Dans les années 1950, 1960 et 1970, les gens fumaient dans les avions, les hôpitaux, les bureaux, partout. C’était comme ça. Imaginez Mad Men sans cigarettes dans le décor. Ça ne fonctionnerait pas, il manquerait cet élément (toxique) pour encapsuler la réalité de cette période.

On ne peut pas non plus demander aux auteurs de It’s a Sin, série sur les ravages du sida offerte par Amazon Prime Video, de faire porter des condoms à leurs personnages principaux, parce que le sexe non protégé envoie un message irresponsable aux jeunes d’aujourd’hui. Il faut se fier au discernement et à l’intelligence des gens. J’y crois encore, pour paraphraser une grande envolée de Lara Fabian.

Pour retourner à Halston, c’est bien cousu, sans être extraordinaire. Si vous aimez le disco, les biographies classiques et les histoires de « misère à la richesse », vous passerez du bon temps avec l’entourage excentrique d’Halston, dont sa meilleure amie, Liza Minnelli (excellente Krysta Rodriguez).

PHOTO PATRICK MCMULLAN

Krysta Rodriguez interprète le personnage de Liza Minnelli, qui comptait parmi les meilleurs amis de Halston.

Et malgré un sujet aussi flamboyant, le producteur Ryan Murphy (Hollywood, Feud, American Horror Story) a choisi la méthode la plus conventionnelle – soit en ordre chronologique – pour raconter l’ascension et la chute de Roy Halston, élevé dans une famille pauvre et violente de l’Indiana.

De façon quasi instantanée, Halston devient la coqueluche des dames de la haute société quand Jackie Kennedy porte son chapeau « boîte de pilules » lors de la prestation de serment de son mari, en janvier 1961.

Avec ses robes amples à motifs, dessinées sur mesure pour des soirées folles au Studio 54, Halston a conquis le cœur des plus grandes stars, comme Bianca Jagger, Anjelica Huston et Lauren Bacall.

La gloire, l’argent et la drogue exacerbent le caractère intempestif de Halston, homme cruel, snob, jaloux et narcissique. Sa garde rapprochée, dont sa muse-mannequin Elsa Peretti (Rebecca Dayan), endure plus de crises de diva que dans une saison complète de RuPaul’s Drag Race.

Halston voyage en Concorde, s’entoure d’orchidées, se paie des escortes de luxe, vide son bol à cocaïne, se défonce dans les discothèques avec ses Halstonettes, dort jusqu’à 16 h et répète sa routine autodestructrice. Ça devient répétitif. Et lassant.

La série oublie plusieurs personnages secondaires importants, dont la relationniste de presse Eleanor Lambert, jouée par l’excellente Kelly Bishop, alias Emily Gilmore dans Gilmore Girls. Vera Farmiga (la parfumeuse) et Bill Pullman (le financier) auraient aussi mérité des textes plus costauds.

Autre oubli quasi impardonnable : Calvin Klein. Halston, tiraillé entre l’art et le commerce, est obsédé par la popularité et le rayonnement de Calvin Klein. Mais jamais la minisérie de Netflix ne le montre, pas plus qu’elle ne montre Andy Warhol, ami proche de Halston. Par contre, on aperçoit Bill Blass, Anne Klein et Oscar de la Renta, des collègues qui n’ont pas eu la même emprise sur Halston.

Cela dit, quand la série montre des figures connues, c’est bien tricoté. La danseuse et chorégraphe Martha Graham veille sur Halston. L’ex-première dame Betty Ford répond à tous ses appels. La chanteuse et actrice Liza Minnelli demeure l’alliée la plus fidèle du couturier, jusqu’à sa mort, en 1990, dépouillé de son propre nom. Elle vole même la vedette à l’homme aux verres fumés et cheveux gominés.

Ces caméos ancrent la vie de Halston, inconnue du grand public, dans cette époque très médiatisée de la vie mondaine de New York. J’en aurais pris davantage.

En fait, la minisérie Halston ressemble à une grosse boule disco. C’est scintillant et amusant de l’extérieur. À l’intérieur, c’est un peu vide, malheureusement. Beaucoup de style, peu de substance.