À compter du 8 avril, les salles de spectacle et les cinémas devront assurer une distanciation de 2 mètres au lieu de 1,5 mètre entre les sièges. Une annonce passée sous silence durant le point de presse du premier ministre.

Le ministère de la Culture et des Communications a communiqué sa directive aux principaux intervenants du milieu culturel mardi après-midi, a confirmé son porte-parole Louis-Julien Dufresne. Or, plusieurs directeurs de théâtres et de cinémas n’étaient toujours pas au courant d’une telle mesure lorsque La Presse les a contactés. D’autres attendaient des précisions et des confirmations qui ne viendront pas avant mercredi.

Aucune mention n’a été faite au cours du point de presse du premier ministre François Legault, et donc aucune question n’a pu être posée sur le sujet. « Le premier ministre annonce toujours les grandes orientations des nouvelles mesures sanitaires », a expliqué M. Dufresne.

Pour le président de l’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles (RIDEAU), David Laferrière, il s’agit pourtant d’une annonce « majeure ». Il faut revoir les plans de salle, replacer les spectateurs, rembourser les billets qui n’auront pas été honorés. Beaucoup de pression pour des équipes « complètement épuisées ». « Ça arrive comme un cheveu sur la soupe. On se retrouve soudainement en survente avec 48 heures de préavis », a-t-il déploré.

Celui qui est aussi directeur du théâtre Gilles-Vigneault déplore moins la mesure que la façon dont elle a été annoncée. « Nous avons toujours été consultés, nous avons toujours eu une marge de manœuvre. Là, l’information nous a été donnée quelques minutes avant le point de presse », a poursuivi M. Laferrière.

Mardi soir, le directeur des cinémas Beaubien, du Parc et du Musée, Mario Fortin, attendait toujours la confirmation officielle.

« Selon toute probabilité, on s’aligne vers les deux mètres », a-t-il avancé, prudent. Plusieurs détails devront être précisés, notamment sur l’application de la distanciation physique. Selon la directive actuelle, les propriétaires de salles devront fermer une rangée de sièges sur deux ou prévoir un espace libre de deux sièges. « Il n’y a pas deux salles de cinéma qui ont la même taille de fauteuils. Je n’ai pas une salle qui ressemble à l’autre », note M. Fortin.

Tout de même soulagés

Malgré tout, le milieu de la culture a poussé un soupir de soulagement. Un resserrement vaut toujours mieux qu’une fermeture, pense Jean-Simon Traversy, codirecteur artistique du théâtre Duceppe. Pour lui, c’est même une victoire : les théâtres ont prouvé qu’ils étaient des lieux sécuritaires. « On est contents de rester ouverts », a-t-il simplement dit. Même si ce sera avec une vingtaine de fauteuils en moins, dans une salle déjà réduite des deux tiers.

Mario Fortin est du même avis. « La semaine passée, on a enlevé le pied de l’accélérateur quand on a vu les régions fermées. On est contents de ne pas peser sur le frein » illustre-t-il. Entre rayer quelques sièges ou perdre 50 employés, le choix est pour lui évident. Pour ce qui est des revenus perdus, les salles pourront demander une compensation grâce à la mesure d’aide à la diffusion qui se poursuit, a confirmé le Ministère.

De son côté, le président de RIDEAU, qui représente plus de 350 salles de spectacles au Québec, a exprimé certaines réserves concernant les répercussions de l’annonce sur les petites salles, qui devront se défaire de précieux fauteuils. « Ça change la donne. On passe de vraiment peu de monde à vraiment, vraiment, vraiment peu de monde », souligne David Laferrière.

Il donne l’exemple du Théâtre du Marais, qui devra passer de 40 places à une vingtaine de sièges à peine. « Le rapport entre la salle et la scène est complètement changé », explique-t-il. Selon lui, le lien de confiance entre le public et les théâtres est mis à risque dans ce contexte. « Si j’appelle untel pour lui dire que je dois rembourser son billet ou qu’un spectacle est annulé, ça se peut qu’il ne revienne pas », craint-il.