Même si Kent Nagano n’est plus le chef attitré de l’Orchestre symphonique de Montréal, la tradition se poursuit : le maestro et Fred Pellerin font de nouveau équipe et présentent à compter de ce mercredi un cinquième conte de Noël, La poste du paradis. Des retrouvailles inespérées, qui allieront la langue virtuose du conteur à celles de compositeurs comme Debussy, Mozart et Prokofiev.

Lorsque Kent Nagano a annoncé son départ de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), on ne s’attendait pas à assister à un autre de ces contes symphoniques avec Fed Pellerin, dont l’ensemble avait fait une tradition depuis plus d’une décennie. Le conteur lui-même en avait un peu fait son deuil.

« Je pensais que c’était fini parce que maestro s’en allait, admet le conteur, lors d’un entretien aux côtés du chef d’orchestre. Mais c’est comme la parenté : ils s’en vont, mais à Noël, ils vont revenir. Maestro Nagano est revenu pour Noël ! »

On devine le sourire de Fred Pellerin derrière son masque. Et si Kent Nagano est d’un naturel plus réservé, il ne cache pas son bonheur d’être de retour à Montréal pour présenter ce nouveau conte symphonique auprès du délirant conteur. « Un Noël sans Fred Pellerin, c’est un Noël où il manque quelque chose », dit-il.

Deux voies vers l’au-delà

La poste du paradis se déroule là où se déploient habituellement les histoires imaginées par Fred Pellerin : à Saint-Élie-de-Caxton. La bougie d’allumage du conte, c’est d’ailleurs l’origine du nom du village, dévoile le conteur. Il n’en fait pas de mystère : le nom aurait été hérité du premier curé de la paroisse. Le spectacle raconte son arrivée et les liens qu’il arrive à établir avec les « personnages » du coin.

« Ça marche assez bien avec tout le monde, mais il y en a une avec qui ça coince : la madame de la poste, raconte Fred Pellerin. Dans les communications avec l’au-delà, il y a le clocher du curé, qui va dans le sens vertical, et le clocher penché de la poste, qui va vers un au-delà horizontal – dans le sens de l’ailleurs. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le maestro Kent Nagano avec le conteur Fred Pellerin

La « madame de la poste » joue avec les enveloppes et les réponses, peut même changer le contenu des enveloppes. Les libertés qu’elle se permet et l’autorité qu’elle a dans le village « jouent un peu dans les plates-bandes du curé », dit le conteur. Ce qui fera assurément des flammèches. « On va tester cette chose-là pour voir où ça peut mener, ajoute-t-il, et même voir les retombées actuelles de ce délire-là. »

Conter en musique

« La relation dont parle Fred passe aussi par la musique », précise Kent Nagano. Choisies de concert avec le conteur et le metteur en scène René Richard Cyr notamment, les œuvres au programme doivent « illustrer le conte », le magnifier sans aucun doute.

Pour La poste du paradis, le choix s’est arrêté sur des œuvres courtes. La première est de Debussy (Nocturnes L.91 II « Fêtes ») qu’on imagine très bien en ouverture en raison du sens de l’aventure, de la tension et de la magie qu’elle transporte. Viendront ensuite un mouvement de la Symphonie no 1 de Prokofiev et un très court morceau d’Henri Dutilleux (« Appels », extrait du Mystère de l’instant), empreint d’inquiétude et de tension. Un certain calme revient avec Mozart et un épilogue épique de Bartók.

Le maestro Nagano aborde les contes symphoniques avec beaucoup d’ouverture. La seule chose à laquelle il ne veut pas déroger, c’est le répertoire. L’OSM est un orchestre qui joue de la musique classique et il tient à mettre en valeur cette expertise. « On ne fait pas de multisegment et on ne joue pas de pop », dit-il posément. Fred Pellerin dit pour sa part ressentir un grand plaisir à « colorer » le conte de musiques tirées du « grand répertoire ».

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Kent Nagano et Fred Pellerin

Il n’est pas dit que La poste du paradis sera la dernière collaboration des deux créateurs. Ce qui semble plus sûr, cependant, c’est que ni le maestro ni le conteur ne poursuivrait cette tradition du conte symphonique sans l’autre. « Ce projet, c’est plus qu’un spectacle, c’est une forme d’écriture, dit Fred Pellerin. Si je travaillais avec un autre chef, je ne ferais pas la même chose. »

Kent Nagano, lui, se sent en confiance avec Fred Pellerin, dont il loue le sens du timing « tellement raffiné » et qui colle parfaitement selon lui à la manière d’un orchestre symphonique comme l’OSM. « Les nuances et la façon de livrer, c’est une chose qu’on sent immédiatement [chez Fred], dit-il. On n’a aucun mal à se comprendre. »

La poste du paradis est présenté dès mercredi à la Maison symphonique.

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