À 24 ans, Chloé Robichaud est déjà une habituée du Festival de Cannes. La réalisatrice montréalaise a visité la Croisette en 2010 et en 2011, pour y présenter des films dans des programmes hors compétition. Cette année, cependant, elle fera son entrée cannoise par la grande porte. Son nouveau court métrage, Chef de meute, est en lice pour la Palme d'or.

La bonne nouvelle lui a été annoncée par téléphone la veille du dévoilement de la sélection officielle, le 17 avril dernier. «Je pensais que c'était une blague au début, je ne comprenais pas. Quand j'ai réalisé que ce n'était pas une blague, j'ai pleuré, j'ai ri, j'ai vécu un mélange d'émotions», a dit Chloé Robichaud en entrevue à La Presse. Un sentiment de stupéfaction qui n'est pas difficile à comprendre: son film est l'un des 10 à avoir été retenus parmi 4500 candidats!

Chef de meute raconte, en 13 minutes, l'histoire de Clara (Ève Duranceau), éternelle célibataire solitaire et introvertie. Après le décès de sa grand-tante, elle hérite du chien de la défunte et, au gré de sa relation canine, apprend à maîtriser sa vie.

«C'est assez décalé comme univers, précise la réalisatrice, qui évoque comme modèle le cinéma de Wes Anderson et de Denys Arcand. C'est un peu une comédie. On ne rit pas aux éclats; c'est plutôt pathético-comique. C'est vraiment ce que je veux faire comme type de cinéma, ça me ressemble.»

La Palme d'or sera remise le 27 mai par le jury de la Cinéfondation et des courts métrages, présidé par le cinéaste belge Jean-Pierre Dardenne.

Artiste autonome

Après un bac en production cinématographique à Concordia, Chloé Robichaud a suivi le programme Cinéma à l'Institut national de l'image et du son (INIS). Elle a obtenu son diplôme il y a un an et demi. Depuis, elle enchaîne les projets à un rythme soutenu. On parle d'une demi-douzaine de courts métrages professionnels, mettant en vedette des acteurs établis ou émergents comme Micheline Lanctôt, Mélissa Désormeaux-Poulin, Sébastien Huberdeau, Sophie Desmarais et Maxime LeFlaguais.

Cette production prolifique s'explique en partie par une approche foncièrement indépendante. Afin d'éviter les lourds rouages des organismes de subvention, elle a mis sur pied, avec trois collègues diplômés de l'INIS, deux sociétés de production, La boîte à Fanny et Les films de la meute. Jusqu'à aujourd'hui, tous ses films ont été autofinancés.

«Le processus est long, explique Chloé Robichaud. J'avais eu un refus pour Chef de meute au CALQ (Conseil des arts et des lettres du Québec). Je n'ai pas voulu attendre et déposer à nouveau mon projet. Je me suis dit: «Il y a Cannes qui arrive», j'ai sorti ma carte de crédit et je l'ai fait moi-même.»

Pour le moment, la jeune cinéaste ne vit pas de sa passion, et subvient à ses besoins grâce à des contrats de publicité.

Populariser le format

Avec la soudaine notoriété de son nouveau film, Chloé Robichaud souhaite pouvoir contribuer à valoriser le court métrage auprès d'un public plus large. «Les gens n'y ont pas accès, il y en a beaucoup qui ne savent pas qu'il s'en fait autant au Québec. Il n'y a pas de vitrine à part pour ceux qui sont dans le milieu. Si les gens s'habituent à en voir, ils vont s'y intéresser.»

Elle cite en exemple Trotteur, court métrage de Francis Leclerc qui a connu une bonne visibilité l'automne dernier, alors qu'il a été projeté dans plusieurs salles du Québec en première partie de The Artist. Un modèle de distribution idéal pour le format court, dont Chef de meute pourra profiter, espère-t-elle.

Un premier long

Après Cannes, Chloé Robichaud compte entamer la production de son premier long métrage, un projet qu'elle mûrit depuis trois ans. Intitulé Sarah préfère la course, et mettant en vedette Sophie Desmarais dans le rôle-titre, le film raconte l'histoire d'une jeune fille de banlieue douée en athlétisme qui se fait pressentir par le meilleur club de Montréal. N'ayant pas les fonds suffisants pour s'inscrire, elle décide de se marier pour les prêts et bourses. Une décision qui aura de fâcheuses conséquences.

Malgré l'apparente lourdeur du sujet, la cinéaste assure vouloir proposer un discours «plus optimiste» sur sa génération, et ainsi faire contrepied au cinéma de la misère prédominant dans la filmographie québécoise contemporaine.

Le tournage est prévu à l'automne. «Tout est prêt, affirme-t-elle. Il faut maintenant que la SODEC et Téléfilm embarquent.»