Dans l'industrie du jeu vidéo, les emplois sont occupés en majorité par des hommes, mais de plus en plus de femmes y font carrière comme artistes, conceptrices, directrices de production ou programmeuses. Elles représentent entre 10 et 20 % de l'effectif, et leur apport est très important dans un secteur qui propose ses produits à un public plus vaste que celui des hardcore gamers. Le Soleil a voulu savoir comment les femmes des cinq grands studios de jeu de Québec avaient fait ce choix de carrière. Et, contrairement à la croyance populaire, ce ne sont pas des tom boy dans un univers d'adolescents boutonneux. CINQUIÈME DE CINQ

Dans les studios Ubisoft à Québec, les filles représentent moins de 15 % du total des employés dans tous les services. Pour elles, pas besoin d'être une hardcore gamer pour travailler dans le monde du jeu. Et pour elles, le monde du jeu change au point que même les jeux sont plus adaptés à une clientèle plus vaste, dont les femmes, pas seulement pour les gars purs et durs dans les jeux de machos.

 

Pour Isabelle Michaud, Sendy Gagné, Karine Turmel et Nancy Cloutier, dans le studio, elles avaient à faire leur place comme tout autre employé et non se faire une place comme femme dans un univers d'homme comme cela peut se produire dans les emplois non traditionnels. Il n'y a pas de sexisme selon elles dans le studio.

Sendy, qui était dans le monde du cinéma avant, cherchait une stabilité d'emploi. Elle aimait jouer, mais maintenant, elle se dit encore plus gamer que jamais. Karine, elle, était plus du type casual ou soft gamer. Elle connaissait quelqu'un dans le studio et s'intéressait particulièrement à ce milieu jeune dans une industrie en pleine croissance.

Nancy, formée en relations industrielles, travaillait dans le domaine artistique. À la suite d'une perte d'emploi, elle cherchait un milieu créatif. De fil en aiguille, elle s'est retrouvée chez Ubisoft. Isabelle a une formation en design industriel et en conception. Elle aussi cherchait un milieu où la créativité serait à l'avant-plan.

Dans cet univers d'homme, elles se sentent accueillies pour leur talent, leurs capacités, sur le même pied d'égalité que les gars sans jamais de remarque du genre : «On sait bien, tu fais ça comme ça parce que t'es une fille». Elles apprécient le travail d'équipe, la confiance qui règne et le partage des connaissances où chacun, selon son métier, donne des trucs aux autres.

Sendy trouve que les gars ont un petit côté naïf, même gamin, tout en étant sérieux dans leur travail. Karine, elle, trouve que les filles sont mieux organisées, plus systématiques dans le suivi des projets. Sendy ajoute que les gars pondent les animations plus rapidement, mais les filles ont une approche très différente, notamment dans les scènes de combat, qui seront plus fluides.

Alors qu'Isabelle rappelle qu'elles évoluent dans le monde du jeu et qu'elles doivent s'amuser pour que ça se sente lorsque les gens utiliseront les jeux. Toutefois, les quatre estiment que les producteurs de jeu sont souvent trop collés sur les clichés concernant les jeux pour filles. Dans les jeux de tirs ou les combats, elles souhaiteraient voir plus de rôles de soutien, des rôles d'entraide plus adaptés à l'approche et à la psychologie féminine de la joueuse. «Dans un jeu de guerre, s'il y a plusieurs classes de soldats, explique l'une, je vais prendre le rôle de l'ingénieur ou du médecin, alors qu'un gars prendra le rôle du soldat d'assaut pour tout défoncer.» «Il m'arrive de prendre un jeu de guerre pour me défouler et faire comme les gars en fonçant dans le tas», raconte une autre.

Elles se sentent toutes à l'aise dans le monde du jeu, dans un studio où la majorité des employés sont des hommes, d'une part parce qu'elles ont beaucoup d'affinités avec leurs collègues de travail et que les relations de travail sont faciles, personne ne travaillant en vase clos. Nancy ajoute même qu'elle a trouvé des types de caractères et des traits de personnalité qu'elle n'osait pas soupçonner chez les gars. Il n'y a pas de moule stéréotypé chez leurs collègues masculins. Même si certains sont parfois bourrus ou un peu machos, il n'y a pas d'attitudes sexistes.

De son côté, Chantale Cloutier, qui travaille dans le secteur des communications pour le studio de Québec, analyse l'avenir en prévoyant que le jeu vidéo attirera de plus en plus de filles à cause du créneau divertissement où se situe de plus en plus l'industrie. L'image du joueur change pour faire plus de place aux femmes non seulement dans les jeux offerts, mais aussi dans les possibilités d'emplois en croissance constante pour les femmes.

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