Rachats et concentrations secouent la presse américaine, en pleine déroute face à la concurrence d'Internet, poussant de nombreux journaux à chercher leur salut dans un nouveau «journalisme citoyen», écrit par des lecteurs et témoins de la rue, comme les blogues d'Internet.

Rachats et concentrations secouent la presse américaine, en pleine déroute face à la concurrence d'Internet, poussant de nombreux journaux à chercher leur salut dans un nouveau «journalisme citoyen», écrit par des lecteurs et témoins de la rue, comme les blogues d'Internet.

Derniers exemples de la fragilité financière de la presse, le rachat jeudi du magazine Reader's Digest et la bataille pour le rachat du Tribune, groupe possèdant 11 journaux dont l'influent Los Angeles Times. Le rédacteur en chef du LA Times, Dean Baquet, vient de démissionner plutôt que d'accepter de nouvelles réductions d'effectifs, devenues courantes dans tous les journaux.

La presse américaine voit chuter son lectorat au profit des actualités gratuites et personnalisées disponibles sur Internet. Selon la Newspaper Association of America, la diffusion des quotidiens a encore baissé de 2,8% sur la période avril-septembre 2006.

Un récent sondage a montré que 49,9% des adultes américains lisent un quotidien, contre 58,6% en 1998.

L'an dernier ont été supprimés encore des milliers d'emplois dans les rédactions -- le Washington Post a annoncé mardi de nouvelle coupes -- et la plupart des groupes de presse cotés en Bourse ont vu leur cours chuter.

Mais cela n'empêche pas plusieurs milliardaires et groupes de médias de s'intéresser au groupe Tribune, l'homme d'affaires David Geffen convoite le Los Angeles Times et Jack Welch, ex-patron de GE, le Boston Globe.

La concentration s'était accélérée début 2006, avec le rachat du groupe Knight Ridder et de ses 90 publications par son rival McClatchy.

Mais les journaux tentent de trouver un nouveau modèle à l'heure de l'Internet alors que certains experts prédisent la disparition de la presse imprimée d'ici quelques d'années.

«Les journaux sont en grave crise. Internet leur prend des lecteurs, des recettes publicitaires, distribue du contenu gratuit, habitue les jeunes à un type d'information sans journalistes. Or les journaux sont très importants pour la société», a commenté à l'AFP John Carroll, ex-rédacteur en chef du LA Times.

«Il faut trouver de nouveaux modèles économiques. J'aimerais avoir les réponses, mais je ne vois pas d'issue. Je suis très inquiet», concède-t-il.

Les journaux essaient donc de se réinventer pour regagner des lecteurs. Créer des sites Internet ne suffit pas à financer une rédaction car ils ne rapportent que 7% des recettes publicitaires. Il faudra 30 ans pour qu'ils en rapportent 50%, selon l'analyste de Merrill Lynch, Lauren Fine.

Aussi de plus en plus de journaux misent sur ce qui a fait le succès des blogues, les contributions directes des lecteurs: ils ouvrent leurs colonnes à un «journalisme citoyen», amateur, bénévole, dans un mélange avec les professionnels appelé «pro-am».

Gannett, le premier groupe de presse américain (90 journaux dont USA Today) a décidé d'incorporer des commentaires de lecteurs et de blogues dans ses journaux, et de faire rédiger des articles spécialisés par des amateurs éclairés comme des ingénieurs retraités ou des avocats.

Plusieurs sites revendiquent ce journalisme non professionnel, comme Nowpublic, qui dit disposer de 31 000 «journalistes citoyens» dans 130 pays. Le site d'actualités de Yahoo! intègre désormais blogues et photos personnelles et CNN fait maintenant défiler en boucle des mails de lecteurs.

De quoi encore affaiblir le journalisme professionnel, notamment le journalisme d'investigation, peu compatible avec les exigences financières des actionnaires des journaux, s'inquiètent de nombreux professionnels.

Même les «nouveaux médias», qui très souvent se contentent de commenter les nouvelles rapportées par les médias classiques, craignent la mort des «vieux»: l'un des blogues les plus lus des États-Unis, le Huffington Post, vient de publier un appel à «sauver le journalisme américain».