Sans s'en douter, Alex Chan, un jeune designer installé dans une banlieue parisienne touchée par les récentes émeutes qui ont ébranlé la France, a déclenché une petite révolution dans le monde de la vidéo en ligne.

Sans s'en douter, Alex Chan, un jeune designer installé dans une banlieue parisienne touchée par les récentes émeutes qui ont ébranlé la France, a déclenché une petite révolution dans le monde de la vidéo en ligne.

Avec un logiciel de cinéma d'animation en ligne, basé sur la technique des jeux vidéo, il a créé un petit film de treize minutes faisant le portrait d'une France profondément raciste, qui a suscité une avalanche de réactions aux États-Unis -le public visé- mais aussi en France.

Alex Chan, 27 ans, ignorait tout du logiciel «Machinima» quand il l'a choisi pour s'exprimer, en anglais, sur les émeutes qui ont secoué les banlieues françaises pendant trois semaines en novembre, dont celle qu'il habite à La Courneuve, au nord-est de Paris.

Son film, intitulé avec dérision «The French Democracy» (La démocratie française), a fait l'effet d'une bombe dans le petit monde des amateurs de vidéo d'animation en ligne, qui ont réalisé que ce média hybride pouvait avoir une portée politique, au-delà des clichés sur lesquels sont bâtis les jeux vidéo.

Dédié à Zyed et Bouna, les deux jeunes d'origine immigrée dont la mort accidentelle le 27 octobre près de Paris a déclenché les émeutes, le film met en scène trois jeunes Noirs confrontés à la discrimination raciale dans la rue, lors de contrôles d'identité ou dans leurs démarches pour trouver un logement ou un emploi.

L'intérêt médiatique qu'il a suscité en France et aux Etats-Unis a surtout fait prendre conscience à tous les réalisateurs en herbe qui veulent faire passer un message qu'avec un ordinateur et un logiciel à 50 euros, n'importe qui peut créer une vidéo d'animation en 3-D.

«Quand j'ai vu pour la première fois ce film, ç'a été un grand moment parce que j'ai réalisé l'utilisation qu'on pouvait faire de ce média», explique Paul Marino, qui dirige à New York l'Académie des arts et sciences Machinima. «Alex a touché les gens avec quelque chose qui vient du coeur, une forme d'expression militante. Jusqu'à maintenant, Machinima avait essentiellement été utilisé pour de la distraction», commente-t-il.

«J'ai découvert ce qu'est la machinima après avoir mis mon film en ligne», explique pour sa part Alex Chan. «J'ai eu beaucoup de réactions, des mails, des forums, de gens qui étaient émus ou inspirés par le film. Si ce film peut pousser des jeunes à s'engager plus dans la société, bien sûr cela me fait plaisir».

Même si le logiciel, baptisé The movies, fait se déplacer les personnages dans un décor new-yorkais, les références à la situation française sont plus qu'évidentes, avec la révolte des trois jeunes sur fond de discours musclé d'un ministre de l'Intérieur. Les dialogues, sous forme de sous-titres, ont été écrits dans un anglais souvent approximatif par Alex Chan lui-même, pour toucher directement le public américain.

Né en France de parents émigrés de Hong Kong, Chan ne se définit pas comme un immigré même s'il reconnaît avoir fait l'expérience amère de la discrimination. «En France, le racisme est souvent caché. La discrimination n'est pas seulement raciale mais également culturelle et sociale».

Lancé au milieu des années 1990, Machinima est rapidement devenu une forme d'expression artistique, générant des milliers de petits films d'animation visibles sur des sites spécialisés, comme machinima.com ou roosterteeth.com.

Machinima délivre même ses propres Oscars, avec une cérémonie dont l'édition 2005 s'est déroulée au Musée de l'image animée, à New York.

Le film peut-être vu en cliquant ICI