Avec e-CORCE, un réseau de 13 satellites prenant chaque semaine des clichés de l'ensemble de la Terre à un mètre de résolution destinés à la diffusion sur internet, le Centre français d'études spatiales (CNES) assure avoir trouvé un modèle économique pour un marché en plein essor.

Les géoportails comme Google Earth ou Virtual Earth payent aujourd'hui assez cher pour des photographies qui seront de résolution nettement inférieure sur certaines parties du globe, et les images ne sont souvent renouvelées qu'au bout de plusieurs mois.À tort, «les gens croient déjà qu'on peut voir la Terre toutes les semaines», a déclaré Jean-Pierre Antikidis, responsable des systèmes d'information spatiaux au CNES, lors d'une présentation à la presse mercredi.

Le concept e-CORCE (pour Constellation d'observation récurrente cellulaire) est né du constat que, comme la téléphonie mobile et le GPS, l'observation de la Terre est en train de devenir un marché de masse, mais que les services existants basés sur des technologies spatiales restent très onéreux.

Pour actualiser plus souvent les images, il fallait résoudre le problème de la masse vertigineuse de données à traiter: «Pour couvrir l'ensemble de la Terre à une résolution d'un mètre, il faudrait disposer d'un stockage équivalent à 1,3 million de disques durs par semaine», explique M. Antikidis.

Le CNES a donc mis au point un système de compression de données «psycho-visuel», divisant par 50 la taille numérique des images sans que ce soit pénalisant pour l'internaute.

D'autre part, les données seront distribuées en continu vers 50 centres de traitement disséminés sur le globe avant d'être mises en ligne. Au total, le CNES a déposé quatre brevets liés au développement du concept.

Le réseau au sol constitue la véritable intelligence du système e-CORCE, tandis que sur les satellites, «on a renoncé à toutes les sophistications possibles», explique M. Antikidis.

Entièrement conçu par le CNES, e-CORCE doit être mis en oeuvre par une «structure de profit» qui reste à créer, a expliqué Jean-Jacques Favier, directeur adjoint chargé de la prospective au CNES.

En attendant la création de ce nouvel opérateur spatial, provisoirement baptisé «Blue Planet», le CNES a pris contact avec des industriels et cherche des clients, notamment chez les grands géoportails, qui ne seraient toutefois pas les seuls clients du système.

Des acteurs de l'aide au développement pourraient également payer pour suivre, semaine après semaine, des évolutions de terrain (sécheresse, inondation, état de la circulation), a détaillé M. Favier.

Le déploiement de l'ensemble d'e-CORCE, qui pourrait avoir lieu dès 2014, est évalué à environ 400 millions d'euros (640 millions de dollars canadiens), dont un tiers pour les stations au sol et les grilles d'ordinateurs, un tiers pour les satellites et un tiers pour le lancement. Un coût très faible en comparaison des moyens engagés par la plupart des programmes spatiaux.

Le contrat signé par Astrium (filiale du groupe européen EADS) en mai pour le seul satellite d'observation de la Terre EarthCare s'élève par exemple à 263 millions d'euros, lancement non compris.

À cause du faible coût d'e-CORCE, «notre système, c'est le rêve pour Google Earth», assure-t-il.

Les concepteurs se sont donnés 12 mois au plus pour boucler leur tour de table, faute de quoi le projet sera abandonné.