Depuis environ un mois, le robot conversationnel ChatGPT soulève l’émerveillement de tous les amateurs de technologie qui l’essaient. Le jour n’est peut-être pas loin où il deviendra un sérieux concurrent au moteur de recherche de Google, dominant depuis plus de 20 ans.

Qui utilise Microsoft Bing pour des recherches internet ? Pas vous ? Ça pourrait bien changer à l’avenir, avance Martin Bouchard, cofondateur de l’outil de recherche Copernic en 1996, sorte de Google avant la lettre.

Pour l’entrepreneur qui dirige maintenant les centres de serveurs QScale, ce n’est qu’une question de temps avant que l’on intègre la puissance extraordinaire de l’assistant textuel intelligent ChatGPT à un moteur de recherche internet comme Google ou Microsoft Bing.

À ce propos, Microsoft a une longueur d’avance sur Alphabet, maison-mère de Google, croit-il, en raison des liens étroits l’unissant à Open AI, propriétaire de ChatGPT.

« Il est temps de faire une prédiction particulièrement audacieuse : Microsoft Bing va détrôner Google en tant que nouveau roi des moteurs de recherche », a écrit l’entrepreneur sur son fil Linkedln en décembre.

Depuis, des dépêches des agences Reuters et Bloomberg ont annoncé la volonté de Microsoft d’intégrer la technologie d’OpenAI à son moteur de recherche Bing.

La Presse a joint Martin Bouchard pour en savoir davantage.

« Quand je me suis mis à utiliser ChatGPT, j’ai pogné mon deux minutes, nous confie-t-il sur un ton enthousiaste. Je n’aurais pas cru qu’en si peu de temps, on puisse passer d’un moteur de recherche standard à quelque chose comme ça. »

Le robot conversationnel répond aux commandes écrites de l’utilisateur du genre « résumez-moi en 5 paragraphes les faits saillants d’un rapport », explique M. Bouchard. Celui qui dit passer volontiers 20 minutes par jour à tester le robot conversationnel se dit ébahi par les résultats.

Vers une nouvelle guerre des moteurs de recherche

« ChatGPT ne cherche pas des sites web, mais il donne des réponses. Or, souvent, l’utilisateur d’un moteur de recherche veut une réponse à une question. Il ne cherche pas nécessairement des sites internet », explique M. Bouchard.

« Si l’on intègre les deux technologies [moteur de recherche et Chat GPT], on crée un supermoteur de recherche.

Le moteur sera ainsi en mesure de comprendre le contexte et l’intention derrière la requête d’un utilisateur et ainsi lui répondre par des résultats plus pertinents et plus précis.

Martin Bouchard, cofondateur de l’outil de recherche Copernic en 1996

« Là, ça devient dangereux pour Google. L’humain étant paresseux, il ne changera pas ses habitudes pour une technologie légèrement supérieure. Mais si ça devient, par exemple, dix fois meilleur, on peut avoir un changement de paradigme. »

Pourquoi Microsoft plutôt que Google ou un autre ? lui avons-nous demandé. D’après ce qu’en sait M. Bouchard, le laboratoire d’intelligence artificielle californien OpenAI est très proche de Microsoft. Celle-ci a offert des services infonuagiques à OpenAI contre un 1 milliard US en échange d’un investissement dans l’entreprise.

« Ils ont décidé de travailler étroitement ensemble depuis quelques années. Ça donne un accès à Microsoft à l’avance. Ce qu’on voit aujourd’hui de ChatGPT, on comprend que les gens de Microsoft l’ont vu depuis très longtemps », avance l’entrepreneur en technologie.

Il s’imagine sans peine voir, dans deux ou trois ans, des moteurs de recherche beaucoup plus intelligents que ceux d’aujourd’hui. « Il y a de fortes chances que ça vienne de technologies comme ChatGPt », soutient-il.

On va voir dans les prochaines années une nouvelle guerre des moteurs de recherche. Google ne va pas se laisser faire. Microsoft va aller là-dedans. Il y aura de jeunes pousses. Ça va être excitant de voir ce qui s’en vient.

Martin Bouchard, cofondateur de l’outil de recherche Copernic et aujourd’hui patron des serveurs QScale

Merveilles et limites

M. Bouchard se dit ébahi par la puissance de ChatGPT. « Tu peux quasiment lui demander de trouver le bogue dans ton code de programmation d’un logiciel, et il va le faire. » On peut aussi lui soumettre le contenu d’un contrat, par exemple, en lui demandant de le résumer en cinq faits saillants.

« Ce qui m’impressionne le plus, c’est sa créativité. Il peut créer un poème, une chanson. Et je dirais qu’il s’exprime très bien. D’après moi, il écrit mieux que 95 % des humains. »

Tout n’est pas parfait cependant. La forme ressort mieux que le fond, lit-on de ses critiques.

En outre, la technologie derrière le robot conversationnel est énergivore. Le coût par requête est beaucoup élevé qu’avec Google.

« Nous devrons le monétiser d’une manière ou d’une autre à un moment donné ; les coûts de calcul sont exorbitants », a écrit le patron d’OpenAI Sam Altman sur Twitter le 5 décembre dernier. Le service pourrait ainsi devenir payant, prévient M. Bouchard.

Ensuite, la technologie n’est pas branchée sur l’internet en temps réel. « Elle s’arrête en 2021 pour le moment », dit M. Bouchard.

Mais ça va changer rapidement. La rumeur veut que la version 4 sorte ce printemps et le bruit court qu’elle sera jusqu’à 20 fois plus puissante que la version actuelle de ChatGPT.

Valorisée à 29 milliards US

OpenAI est en pourparlers pour vendre une participation d’au moins 300 millions US d’actions dans le cadre d’une offre publique d’achat, ce qui lui donnerait une valorisation d’environ 29 milliards US, a rapporté jeudi le Wall Street Journal. Selon celui-ci, Thrive Capital et Founders Fund sont en pourparlers pour y investir. Les conditions de l’offre n’ont pas été finalisées, prévient le quotidien. OpenAI n’a pas commenté.