(Ottawa) Les législateurs doivent s’assurer que les enfants ne deviendront pas les « poupées vaudoues » du « capitalisme de surveillance » des grandes entreprises de haute technologie, a estimé le président du Comité international sur les mégadonnées, la protection des renseignements personnels et la démocratie.

Le député conservateur canadien Bob Zimmer a dressé ce sombre scénario alors que le groupe d’élus d’une dizaine de pays clôturait sa troisième et dernière journée d’audiences, mercredi, sur la colline du Parlement à Ottawa. Le comité s’est penché sur le rôle des géants de l’internet dans la protection de la vie privée et des droits démocratiques.

Depuis lundi, les députés ont fait comparaître des représentants de Facebook, d’Amazon et d’autres géants du web, mais ils ont déploré que les dirigeants de ces entreprises, et d’autres organisations, n’aient pas daigné se présenter. Les Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg de ce monde ont été remplacés par des subalternes qui, dans certains cas, ont refusé de répondre aux questions car ils disaient ne pas avoir une connaissance aussi approfondie du dossier que leurs célèbres patrons.

Le député Zimmer a tout de même admis que ces audiences avaient été utiles, lui qui voit ses quatre enfants, âgés de 15 à 21 ans, « devenir de plus en plus dépendants de ces téléphones ».

« Quand on voit le capitalisme de surveillance dans son ensemble, on s’aperçoit que tout le modèle commercial consiste à les maintenir collés à ce téléphone malgré les problèmes de santé que cela cause à ces enfants — à nos enfants. Tout cela pour des gros sous », a déclaré M. Zimmer mercredi. « Nous avons la responsabilité d’agir : nous nous soucions de nos enfants, nous ne voulons pas les voir transformés en poupées vaudoues, contrôlés par le dollar tout-puissant et le capitalisme. »

Les députés libéraux et néo-démocrates qui siègent à ce comité ont partagé le point de vue de leur collègue conservateur dans une rare manifestation d’unité politique nationale. Une opinion aussi partagée par des délégations d’autres pays participants à ce comité — le Royaume-Uni, l’Argentine, la Belgique, le Brésil, la France, l’Irlande, la Lettonie, Singapour, l’Équateur et Sainte-Lucie.

Le député britannique Damian Collins, coprésident du comité, a estimé que les audiences avaient montré à quel point les entreprises « ne souhaitaient pas répondre à des questions directes sur la manière dont elles recueillent les données et comment elles les utilisent par la suite ». Ainsi, a-t-il rappelé, des témoins n’ont pas pu expliquer comment Facebook et Amazon interagissaient ni comment étaient intégrées les données de LinkedIn et celles de Microsoft, qui a acheté ce site de réseautage en 2016.

« Je ne comprends pas pourquoi les entreprises refusent de parler ouvertement des outils qu’elles ont mis en place, a soutenu M. Collins. Les gens peuvent accepter d’utiliser ces outils, mais sont-ils vraiment conscients alors de l’étendue des données qu’ils partagent ? »

Ses enfants enregistrés par Alexa

Les implications des hautes technologies sur la protection de la vie privée ont ainsi été examinées minutieusement lors d’un témoignage, mercredi.

Le responsable de la sécurité au sein de la compagnie web Mozilla a déclaré avoir été choqué de constater que des enregistrements de sa famille avaient été obtenus et conservés par le populaire assistant vocal Alexa, d’Amazon. Alan Davidson a indiqué que l’appareil Amazon Echo est un produit formidable ; mais lorsqu’il a récemment examiné ce que sa famille avait enregistré et stocké, il a trouvé dans les archives des conversations entre ses enfants.

PHOTO MIKE STEWART, ARCHIVES AP

Le produit Amazon Echo.

« Honnêtement, j’ai été choqué — et ma famille aussi — de voir ces enregistrements de nos jeunes enfants d’il y a des années qui sont dans le nuage et stockés. Cela ne veut pas dire que quelque chose a été mal fait ou que c’est illégal, mais les utilisateurs n’en savent rien — ils ne savent pas non plus que ces données sont là et ils ne savent pas non plus comment elles seront utilisées un jour. »

Selon M. Davidson, les entreprises internet doivent offrir à leurs clients plus d’options de consentement « à la pièce » sur la manière dont des informations personnelles spécifiques sont colligées et utilisées.

Au client de les supprimer

Mark Ryland, responsable de la sécurité pour Amazon Web Services, a noté que son entreprise explique très clairement que le consentement fait partie de l’expérience Alexa et que les clients peuvent supprimer des données colligées s’ils le souhaitent.

« Alexa est à l’affût du mot clé qui “réveille” le système lorsque vous souhaitez interagir avec lui d’une manière ou d’une autre », a expliqué M. Ryland. « Il y a un voyant lumineux sur l’appareil qui vous indique qu’il est en mode actif — et les sons dans la pièce sont alors transmis dans le nuage. » Ce flux est ensuite acheminé par l’entremise d’un système de traitement de la voix qui produit une transcription de la conversation, a-t-il rappelé.

« Vous pouvez consulter la liste complète de ce que vous avez dit et vous pouvez en supprimer immédiatement dans la base de données. Je crois que c’est très clair : le consentement fait partie de l’expérience. »

Les informations recueillies par Alexa et stockées par Amazon « deviennent des informations de votre compte, tout comme si vous achetiez des livres sur notre site internet, et donc pourraient influencer » d’autres informations que l’entreprise peut présenter à un client « qui pourraient l’intéresser », a déclaré M. Ryland.

S’adressant ensuite aux journalistes, M. Ryland a soutenu qu’Amazon « continuera à renseigner les consommateurs sur leur capacité à contrôler leurs données ».

« Nous sommes toujours à l’écoute de commentaires de la part des clients et sur la manière d’améliorer nos produits. Nous cherchons donc sans cesse à apporter des améliorations qui répondent aux besoins de nos clients. »