(Montréal) Les Québécois ont une confiance plutôt robuste envers les médias d’information et les journalistes, mais ils ne font pas toujours la distinction entre l’opinion et le reportage d’information factuel.

Par ailleurs, les jeunes font moins confiance aux médias traditionnels que leurs aînés et, paradoxalement, font davantage confiance qu’eux aux médias sociaux bien que ceux-ci soient des vecteurs reconnus de désinformation.

Ce sont là quelques-uns des constats qui se dégagent d’une vaste enquête réalisée par le Centre d’études sur les médias de l’Université Laval en octobre dernier, rendue publique mercredi et dont La Presse canadienne a obtenu copie.

On y apprend ainsi que l’écrasante majorité des Québécois, soit 83 %, font confiance aux médias d’information (16 % leur font « très confiance » et 67 % leur font « assez confiance ») et que près des trois quarts (73 %) font confiance aux journalistes. La confiance envers les journalistes oeuvrant dans les médias traditionnels (presse écrite, radio télévision) atteint même 85 %. À l’opposé, le niveau de confiance chute à 55 % envers les journalistes qui interviennent dans les médias sociaux.

Cette confiance du public québécois envers les journalistes n’est toutefois pas aveugle ou inconditionnelle puisque plus de la moitié des répondants (53 %) estiment qu’ils sont manipulés par les politiciens et près de deux sur trois (62 %) croient que la qualité de l’information dans les médias s’appauvrit.

Journalistes vs vedettes

Lorsqu’on demande aux répondants de nommer des journalistes auxquels ils font confiance, leurs réponses démontrent clairement que le public classe sous le même parapluie de « journaliste » des présentateurs de nouvelles, des animateurs, des chroniqueurs d’opinion et commentateurs. Ainsi, les noms qui ont obtenu plus de 10 mentions sont ceux de Pierre Bruneau, Patrick Lagacé, Richard Martineau, Mario Dumont, Paul Arcand, Patrice Roy, Céline Galipeau, Sophie Thibault et Chantal Hébert.

Les chercheurs notent au passage que ce classement n’étonne guère, puisqu’il s’agit soit de présentateurs de nouvelles ou animateurs d’émissions d’information à la télévision ou à la radio, soit de commentateurs, soit de chroniqueurs-vedettes de quotidiens, certains cumulant ces fonctions que l’on voit ou entend régulièrement. Toutes ces personnes « jouissent d’une grande visibilité et notoriété », note-t-on dans le rapport.

Jeunes et médias sociaux

La télévision demeure en tête des sources auxquelles s’abreuve le public, suivie des journaux et de la radio en ce qui a trait aux nouvelles. Seulement le tiers (34 %) des répondants font confiance aux nouvelles publiées sur les médias sociaux.

Cependant, les plus jeunes, soit le groupe des 18-34 ans, font moins confiance aux médias d’information traditionnels et sont plus critiques vis-à-vis du travail des journalistes. À contrario, ils font davantage confiance que leurs aînés aux médias sociaux, qu’ils consomment davantage qu’eux. L’enquête démontre d’ailleurs sans surprise que la technologie et l’émergence des réseaux sociaux « ont redéfini les manières que les jeunes ont de s’informer. Ils trouvent d’abord leurs informations dans les médias sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, etc.). »

L’effet pervers de cette montée de l’influence des réseaux sociaux chez les jeunes est ainsi double : d’une part, ces réseaux sont ceux où l’on retrouve une masse d’interventions mettant en doute la validité de l’information véhiculée par les médias traditionnels, d’où une méfiance plus grande envers ces derniers chez les jeunes. D’autre part, les jeunes leur font « très » ou « assez » confiance à hauteur de 46 %, alors qu’ils sont à l’origine de la propagation fulgurante des fausses nouvelles. À titre comparatif, cette confiance chute à 37 % chez les 35-54 ans et à 23 % chez les plus de 54 ans.

Les fausses nouvelles inquiètent par ailleurs beaucoup l’ensemble des Québécois, dont 80 % estiment qu’elles sont « très » ou « assez » répandues. Cette inquiétude est exacerbée par le fait qu’environ une personne sur deux dit avoir de la difficulté à démêler les sources d’information fiables et celles qui ne le sont pas.

Méfiance à Québec

La région de Québec se démarque du reste de la province en matière de confiance. Ainsi, même si la confiance envers les médias atteint un respectable 75 % dans le Vieille Capitale, elle demeure loin derrière celles de Montréal (84 %) et du reste du Québec (86 %). Il en va de même côté journalistes alors que seulement 62 % des citoyens de la région métropolitaine de recensement de Québec leur font confiance, comparativement à 72 % dans la région de Montréal et 76 % dans le reste du Québec.

Ce n’est donc guère étonnant que la région de Québec soit moins en faveur d’une aide financière de l’État à la presse écrite que le reste de la province. Puisque l’enquête a été réalisée en octobre dernier, soit au moment où la survie des six journaux du Groupe Capitales Médias (GCM) était menacée, le public était bien au fait des démarches en cours pour que l’État intervienne pour soutenir les médias d’information.

C’est en effet à Québec que l’on rencontre la plus forte résistance à l’aide étatique, avec une proportion de 48 %, contre 52 % qui étaient en faveur. À l’échelle de la province — incluant Québec — l’appui atteignait plutôt 62 % avec le soutien le plus marqué en région, soit là où l’information a été la plus malmenée au cours des dernières années. Chez les répondants à l’extérieur des grandes régions de Montréal et Québec, l’appui à l’aide de l’État aux médias atteignait 66 %.

Fait à noter, même si l’aide de l’État suscite l’approbation d’un peu moins des deux tiers des Québécois, ceux-ci estiment tout de même à 82 % que « les médias sont essentiels au bon fonctionnement de la démocratie ».

L’enquête a été menée par la firme CROP du 3 au 23 octobre 2019, à partir d’un panel web. L’échantillon de 1,000 répondants est représentatif de la population du Québec. La marge d’erreur n’est pas estimée dans ce type de sondage.