Le stratège boursier de la Caisse de dépôt et placement du Québec se dit « impressionné » par le rebond observé en Bourse depuis quelques semaines, mais prévient que la volatilité est appelée à se faire sentir à nouveau.

« Dans un cycle normal, après la crainte d’inflation vient la crainte de ralentissement, et c’est cette phase-là qu’on n’a pas vue encore. Alors on reste prudents dans notre positionnement parce qu’on pense qu’il reste de la volatilité à venir », dit Vincent Delisle, chef des marchés liquides à la Caisse de dépôt.

Le rebond boursier actuel s’inscrit, dit-il, dans la foulée d’une séquence d’évènements extrêmes observés depuis deux ans.

Il affirme que la menace d’inflation est la principale cause de la baisse des marchés en première moitié d’année. C’est ce qui a poussé les taux à la hausse et a amené les banques centrales à agir plus vite et de façon ferme, dit-il.

Les banques centrales doivent, selon lui, encore relever les taux à quelques reprises pour que l’inflation soit maîtrisée ou plus près du niveau où elles veulent qu’elle soit.

L’inflation est à 7 % au Canada et à 8 % aux États-Unis, alors que la cible se situe à 2 %. Il y a donc encore des hausses de taux à venir.

Vincent Delisle, chef des marchés liquides à la Caisse de dépôt

Vincent Delisle calcule que jusqu’à tout récemment, les probabilités d’un ralentissement économique mondial sévère étaient d’environ une chance sur trois, c’est-à-dire entre 25 % et 35 %. « Le récent optimisme observé sur les marchés laisse cependant croire que le marché anticipe un scénario plus rose et que finalement les hausses de taux vont durer moins longtemps. »

Un pivot défensif

En conférence de presse, le PDG de la Caisse, Charles Emond, a indiqué que juillet avait été le meilleur mois depuis près de deux ans pour la Bourse. « Le marché est en forte hausse depuis le 30 juin. Mais il faut être prudent pour la suite », a-t-il dit.

Vincent Delisle précise que la Caisse a effectué un pivot boursier plus défensif depuis la fin de 2021 et souligne que les occasions en marché baissier et lors d’un fort ralentissement économique sont davantage visibles dans des secteurs cycliques.

Durant les premiers mois de l’année, la Caisse a notamment été active avec des achats en télécoms. « Quand il est devenu clair pour la Caisse que les banques centrales allaient devoir augmenter les taux d’intérêt, on a voulu réduire notre exposition à certains titres et à des secteurs qui seraient pénalisés. »

La Caisse a ainsi vendu certains titres jugés plus « vulnérables » pour ajouter des titres défensifs. « Dans les pivots de marché importants comme celui auquel on a assisté dans les derniers mois, on pense qu’on doit agir et on l’a fait sur certains titres », dit-il.

Un exemple de titre jugé vulnérable est celui de Shopify. La Caisse a graduellement commencé à réduire son exposition au fournisseur de solutions de commerce électronique d’Ottawa en avril l’an passé. La participation dans Shopify a depuis été abaissée au fil des mois et en particulier durant la glissade du titre depuis novembre. La valeur de l’investissement en actions dans Shopify est ainsi passée de 700 millions l’été dernier à une vingtaine de millions cet été.

Pas de regret avec le pétrole

Charles Emond a par ailleurs affirmé qu’il ne regrettait aucunement que la Caisse ait vendu une importante partie de ses actions de producteurs de pétrole avant la récente flambée du prix du baril de brut et des titres du secteur de l’énergie.

Il a rappelé que la décision de se retirer du pétrole avait été prise en 2018 et que la Caisse avait simplement dit l’an passé qu’il lui en restait 1 % (3 milliards de dollars) à vendre et qu’elle allait s’en départir.

On a vendu à profit ces positions-là et on a redéployé cet argent dans les énergies renouvelables.

Charles Emond, PDG de la Caisse

Il souligne que même si on fait le calcul que la Caisse aurait pu obtenir 1 milliard additionnel en attendant plus longtemps avant de vendre ses titres pétroliers, l’organisation n’a rien perdu au change. « La Caisse est allée chercher 6 milliards de rendement depuis trois ans en renouvelables et 2 milliards au niveau du gaz naturel, qui est une source d’énergie de transition qui est là pour de bon. On a redéployé ailleurs pour faire plus d’argent et faire la bonne chose pour la planète », dit-il.

« Depuis cinq ans, nos actifs à faible intensité carbone par rapport à nos actifs à haute intensité carbone font le double du rendement, 12 % contre environ 5 %. »