(Paris) Les marchés boursiers européens restaient orientés à la hausse au lendemain de la baisse de taux surprise de la Réserve fédérale américaine, comptant désormais sur les gouvernements pour limiter les conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus.

Après une clôture dans le vert des grandes Bourses asiatiques, les marchés européens continuaient d’afficher un optimisme prudent mercredi dans le sillage de l’ouverture en forte hausse de Wall Street, qui saluait notamment le retour de Joe Biden au rang de favori des primaires démocrates.

La veille, la Bourse de New York avait toutefois connu un accès de faiblesse, à contrecourant des marchés européens.

Vers 10 h, Paris progressait de 0,53 %, Londres de 0,62 %, Francfort de 0,51 %, Madrid de 0,11 % et Milan de 0,22 %.

La baisse surprise de 0,5 point de pourcentage de ses taux par la Fed a pris les marchés de court mardi, bien que ceux-ci tablaient depuis plusieurs jours sur une telle mesure accommodante, mais pas avant sa réunion de politique monétaire des 17 et 18 mars.

Et la Banque du Canada lui a emboîté le pas ce mercredi en annonçant elle aussi une baisse de 50 points de base de son taux directeur, invoquant le « choc négatif substantiel » du nouveau coronavirus sur les perspectives économiques canadiennes et mondiales.

« C’est plutôt une bonne nouvelle que la Fed baisse les taux de 50 points de base en urgence » et de manière préventive, souligne auprès de l’AFP Alexandre Drabowicz, responsable adjoint de la plateforme actions chez Amundi.  

Certes, ce n’est pas ce « qui va relancer l’économie, mais c’est un support psychologique » pour le marché, selon lui.  

Et de toute façon, « c’était déjà intégré par le marché » qui « attend (encore) deux baisses de taux de 25 points de base de plus » cette année, donc la banque centrale américaine « ne fait que donner au marché ce qu’il voulait », complète le spécialiste.

Avant la Fed, les banques centrales australienne et malaisienne avaient déjà annoncé une baisse de leurs taux directeurs. La Banque du Japon et la Banque d’Angleterre ont dit quant à elles se tenir prêtes à agir.

La grande question est désormais de savoir ce que fera la Banque centrale européenne (BCE), qui dispose a priori de moins de marges de manœuvre, la semaine prochaine.

Relance budgétaire attendue

« L’autre lecture », moins optimiste, de la décision de la Fed, c’est de considérer que cette résolution montre que la Fed sait « quelque chose qu’on ne sait pas », poursuit M. Drabowicz.

D’autant qu’une baisse de taux d’une telle ampleur intervenant en dehors d’une réunion monétaire ne s’était pas vue depuis 2008, de quoi rappeler de mauvais souvenirs.

Pour autant, nous sommes « quand même très loin de la situation de septembre 2008 », pour M. Drabowicz. Nous n’avons « pas de gros défauts » d’entreprises, nous « restons sur un niveau de croissance qui est encore correct, le bilan des sociétés est bien meilleur, nous avons des taux d’intérêt qui sont déjà ultra bas », donc « ce n’est pas le même scénario ».

Reste que de l’avis général, la réponse monétaire seule - même si elle permet d’éviter à court terme un effet panique sur les marchés - ne suffira pas à endiguer les conséquences économiques sans doute désastreuses d’une épidémie qui prend de plus en plus des airs de pandémie.

A ce jour, le virus a contaminé plus de 93 000 personnes dans le monde et fait plus de 3200 morts, notamment en Chine où il est apparu en décembre. Il affecte dorénavant tous les continents, sauf l’Antarctique, et perturbe la vie quotidienne dans un nombre croissant de pays.

« Ce choc sur l’offre est extrêmement complexe à modéliser », car il implique toute « la chaîne de fournisseurs » des sociétés, explique M. Drabowicz, pour qui « l’année 2020 va être fortement pénalisée ».

Mais il est « certain que lors de la (prochaine) saison des résultats dans trois mois, ça va être l’hécatombe », juge-t-il.

Après l’OCDE, qui a révisé lundi sa prévision de croissance mondiale pour 2020 à 2,4 %, contre 2,9 % précédemment, le FMI a estimé ce mercredi que la croissance mondiale serait inférieure cette année à celle de 2019 à cause de l’impact de l’épidémie de nouveau coronavirus, sans se risquer toutefois à une prédiction plus précise.

La croissance mondiale était de 2,9 % en 2019 et le FMI prévoyait encore en janvier une croissance de 3,3 % pour 2020.

Tous les regards sont désormais tournés vers les gouvernements dont des mesures de stimulus fiscal sont attendues, à l’image de ce que l’Italie et la Corée du Sud ont déjà annoncé.  

Le ministre français des Finances Bruno Le Maire a rappelé mercredi que la possibilité de recourir à la relance budgétaire figurait sur le communiqué diffusé la veille par le G7, et dont le message peu détaillé avait laissé les marchés de marbre, juste avant que la Fed ne dégaine l’artillerie lourde.